[ètre tajé a ku de serpèt dâz‿ yn klavikul de ɡrenuj] (loc. scien. ATHLET.)
Les cours de sciences nat’ introduits dans l’enseignement des collégiens et lycéens en 1902 et prodigués dès l’origine par des professeurs passionnés par le miracle du pistil, l’insondable profondeur de l’œil de bœuf et les réflexes vigoureux du batracien écorché, sont sans aucun doute à l’origine de l’expression être taillé à coups de serpette dans une clavicule de grenouille.
Il est en effet nécessaire d’en avoir disséqué de la rainette pour élaborer une telle construction rendant compte d’une condition physique athlétique en devenir.
Car seule une grande expertise en muscles, tendons et autres éléments du corps humain peut justement poser le diagnostic. Là où le quidam s’arrêtera à un constat rapide de défaillance en biceps, triceps et quadriceps, cet ancien élève assidu des cours de monsieur Pichon, professeur de Sciences Naturelles au lycée Henri Poincaré, saura reconnaître le futur vigoureux, le postulant baraqué, le paré pour l’épaulé-jeté.
De son bréviaire fondé sur le scalpel et l’autopsie – jouissive – de Kermit, procède être taillé à coups de serpette dans une clavicule de grenouille et sa force d’évocation unique. Rien ne dit mieux l’airain de demain, le fier pectoral qui n’est encore que mamelon, la cuisse à sculpter.
Cependant, être taillé à coups de serpette dans une clavicule de grenouille n’est pas des plus simples d’utilisation, convenons-en. En dehors d’un traité sur les grenouilles, tritons et reptiles de nos campagnes s’entend. Ou d’une convention sur la musculation chez le sportif adolescent.
Les multiples réformes des programmes d’éducation sur des sujets de biologie aussi fondamentaux que « Comment on fait les bébés ? », « Dinosaures et météorites : qui c’est le plus fort ? », contribueront très largement à l’entourer d’un voile opaque menant parfois au contresens. Et ce tribu à la langue bien jactée laissé par monsieur Pichon se retrouvera chahuté quand un obscur gratte-papier, rapportant les fulgurances d’un comité Théodule, décidera que « Sciences de la vie et de la Terre » éclairerait efficacement l’avenir des ces Sciences naturelles devenues désuètes.
Pour être taillé à coups de serpette dans une clavicule de grenouille ce sera le coup de grâce.
À la rentrée des classes 1994 l’expression tire définitivement sa révérence aux nouvelles de l’école. SVT impose son acronyme. « Ça fait moderne » dit-on dans les hautes sphères.
Du fond de sa retraite, monsieur Pichon maugrée une dernière fois. Mais plus personne ne l’écoute. Un peu comme à l’époque quand l’élève G. était plus occupé à cacher la grenouille dans le sac US d’Isabelle plutôt qu’à l’équarrir¹. Mais ceci est une autre histoire.