[fèr de lalSimi avèk lé dâ] (loc. avar. MAG. OP.)
Magnum opus, le Grand Œuvre, occupa à son heure plus d’un alchimiste à la recherche de cette pierre philosophale qui ferait sa fortune.
Nicolas Flamel y parvint peut-être, mais la plupart des apprentis en recherche de la formule pour transformer le plomb en or finirent sur la paille ou firent brûler la moquette à force de mélanger des produits en tous genres (d’autres arpettes petits chimistes les suivraient dans cette carrière incendiaire de nombreux siècles plus tard mais ceci est une autre histoire et il y a prescription).
C’est donc en partie aux recherches et mélanges explosifs des uns et des autres que le langage doit l’existence de faire de l’alchimie avec les dents, la locution cachant une volonté étrange de transformer le jeûne en or.
Celui qui ne mange pas par souci d’économie fait de l’alchimie avec les dents : une expérience que seul l’avare entend mener et c’est donc se gausser de ses tares que de lui décerner le titre d’alchimiste avec les dents. La farouche volonté de se priver de nourriture est en effet une raison d’exclusion du corps social dans une France qui fait de l’art culinaire l’alpha et l’oméga de son régime.
Le sens quittera celui exclusif de l’assiette vide du radin pour concerner tout grippe-sou n’entendant pas en dépenser, la transmutation se produisant a priori au XVIIIᵉ siècle quand Antoine Laurent de Lavoisier fera lui-même la révolution de l’alchimie vers la chimie avec son Traité élémentaire de chimie (1789).
Dès lors on reprochera au moindre grigou de faire de l’alchimie avec les dents, l’usage se développant d’autant plus que depuis 1723 et Le Chirurgien Dentiste ou Traité sur les Dents de Pierre Fauchard, les plus fortunés qui boudent aux dominos font remplacer leurs ratiches perdues par de l’or.
La preuve faite de l’impossibilité de décrocher la timbale en séparant le soufre du mercure¹, faire de l’alchimie avec les dents déclinera peu à peu jusqu’à ce qu’un adage moderne énonçant l’obligation de consommer cinq fruits et légumes par jour impose son dogme et l’envoie paître en surannéité.
L’avaleur de pois gris, harpagon qui lui mangeait, mais à la table des autres, l’y attendait.