[fèr dé bònimâ a la ɡrès dwa] (loc. verb. MENT.)
Ne croyons pas que le mensonge ait été absent des temps dits surannés. Les bonisseurs et faussaires y régnaient déjà en maîtres et les menteries allaient bon train : marchands d’orviétan et leur breuvage guérisseur, docteurs en soupe salée, vendeurs de poudre de perlimpinpin étaient légion.
Et leurs bobards glissaient si bien sur la crédulité du petit peuple, celui qui créait le langage imagé, qu’il en imagina pour décrire leurs méfaits l’expression faire des boniments à la graisse d’oie.
Il nous faut préciser qu’à cette époque bien loin de la modernité, la graisse d’oie était un produit considéré comme vulgaire, de piètre qualité, et aucunement apprécié en cuisine comme elle peut l’être en ces années d’aujourd’hui. Faire des boniments à la graisse d’oie marquait donc un jugement sur la qualité du possesseur des lettres de Cracovie. Non seulement il était menteur mais doublé d’un tartufe.
Faire des boniments à la graisse d’oie souligne combien il est nécessaire que le mensonge soit oint d’un lubrifiant pour passer, preuve s’il en fallait qu’il doit emprunter des chemins bien scabreux pour pénétrer le ballot. Plus il sera huilé et visqueux, plus il passera comme une lettre à la Poste.
« Plus c’est gros plus ça passe » que rappelle la sagesse populaire naîtra d’ailleurs après faire des boniments à la graisse d’oie et l’on comprend bien pourquoi.
Des études scientifiques démontrant que les habitants du sud-ouest de la France étaient mieux protégés contre les maladies cardio-vasculaires grâce à la cuisine à la graisse d’oie et à ses acides gras insaturés (et ceci n’est pas un boniment à la graisse d’oie), celle-ci revint en odeur de sainteté et fit perdre son sens à faire des boniments à la graisse d’oie, certains touristes prenant même la chose pour une spécialité périgourdine.
Bien heureusement surgirent de nombreux synonymes tout aussi efficaces pour tancer le charlatan : faire des boniments à la graisse des chevaux de bois, à la graisse d’abat-jour, à la graisse de hareng saur, à l’huile de pied de tabouret, à la graisse de peau de louftingues.
Largement de quoi remplacer la surannée faire des boniments à la graisse d’oie qui s’épanouit désormais aux fourneaux. Tout juste assez pour continuer à huer les hypocrites, à virer les tricheurs et à botter le cul des tartarins. Mais ceci est une autre histoire.