[fèr le bôn- apotr] (loc. comport. TRAH.)
C’est précisément le jeudi 2 avril 33 après un dernier souper demeuré historique que faire le bon apôtre va surgir comme expression d’un comportement pour le moins déplacé puisqu’il consiste à se comporter en traître.
Construit sur une implacable ironie, faire le bon apôtre souligne toute la malignité d’un Judas mielleux à souhait¹ balançant qui on sait aux Romains pour quelques deniers de plus.
Il n’est en effet rien de bon dans la trahison – pas même quand elle est dûment rémunérée – et c’est ce que s’attache à souligner avec sarcasme faire le bon apôtre à chaque fois qu’elle est utilisée.
La locution va se répandre aussi vite que l’histoire sur les multiples conséquences de ce coup dans le dos (qui donneront d’ailleurs lieu à un véritable culte, mais ceci est une autre histoire), créant une suspicion sur le métier d’apôtre qui ne tardera pas à tomber en désuétude faute de candidats, à l’exception notable de celui de Simon Bar-Jona, dit Pierre, alias saint Pierre, qui perdure encore aujourd’hui sous la forme de premier évêque de Rome ou pape.
Avec le succès, faire le bon apôtre sortira rapidement du champ lexical judéo-chrétien pour désigner toute balance aux autorités et un certain grand banditisme façon cinémascope encore formé à entraver l’argomuche et à user de formules surannées contribuera à sa bonne diffusion.
Ganelon, Hamlet, Iznogoud, Tullius Detritus
Le truand n’appréciant guère le délateur on retrouvera nombre de ces bons apôtres occis, les uns attendant au fond du port qu’on les soulage de leurs chaussures de béton, les autres décidant de leur plein gré² de déménager à la cloche de bois et de ne plus jamais donner de nouvelles…
Au cours de l’histoire Ganelon, Hamlet, Iznogoud, Tullius Detritus, jaunes briseurs de grèves feront le bon apôtre chacun leur tour, reniant leurs amitiés et leur parole pour une postérité peu reluisante qu’ils n’envisageaient certainement pas ainsi.
Leur sort éternel s’avérera d’autant plus cruel que faire le bon apôtre rejoindra dans l’oubli poli d’une modernité sans autre dieu ni maître que les pépettes pour lesquelles tous les coups sont permis, André le Protoclet, Jacques de Zébédée, Jean, Philippe, Barthélemy, Thomas, Matthieu, Jacques le Mineur, Jude et Simon le Zélote, laissant donc Judas Iscariote se débrouiller avec ce fardeau d’ironie.
Faire le bon apôtre prêche désormais dans le désert pour l’éternité ce qui fait long pour le félon.