[fɛʁ lə metje də la ɡʁənuj] (loc. alcool. CÔA.)
La grenouille n’est pas qu’un simple batracien qui règne sur la mare aux canards, passant son temps à coasser à gorge déployée pour attirer la blonde qui d’un baiser la fera prince charmant.
Si l’on en croit l’expression étudiée en ces lignes, la grenouille a un métier; qui ne consiste ni à être homme ni à être de bénitier¹. Un métier que certains piliers du Balto envient puisqu’il se compose, selon eux, de deux tâches majeures qu’ils sauraient accomplir sans férir : boire et parler en même temps.
Faire le métier de la grenouille est en effet une expression d’ivrogne. Nous tenterons ici d’en donner une définition cohérente bien que les documents à la disposition du chercheur en surannéité ne soient que d’une piètre qualité puisque tous issus d’entretiens oraux avec des biturins.
Classons pour commencer la question d’Albert Simon, annonciateur radiophonique (dans les années surannées) du temps qu’il va faire demain et autres digressions sur la Sainte Thérèse ou l’heure de coucher du soleil (l’une n’ayant aucun rapport avec l’autre) : si la voix chevrotante d’Europe 1 faisait souvent allusion à sa grenouille, véritable oracle météo, le père Albert n’a pas pour autant inventé faire le métier de la grenouille.
Car faire le métier de la grenouille ne se cantonne pas à prévoir le déplacement de l’anticyclone des Açores et la température à Clermont-Ferrand (prononcer Clelmont-Felland) à six heures du matin. Néanmoins, un propos météorologique peut tout à fait intégrer la logorrhée du bituré et donc contribuer à faire le métier de la grenouille.
Bien que le soûlographe ait une très nette tendance à pousser la chansonnette sous les fenêtres des honnêtes gens à des heures indues tout comme la rainette qui est capable d’atteindre les cent décibels et trente mille coassements par nuit, faire le métier de la grenouille ne signifie pas non plus brailler « Que reste-t-il de nos anoures, que reste-t-il de ces beaux jours » à tue-tête.
Seul le sabir incohérent péniblement bredouillé par le boitout bavard entre dans le champ de compétences de faire le métier de la grenouille. Nous sommes formels sur ce point.
Avec cinq cent mille bistrots implantés en France au début du XXᵉ siècle, le métier de la grenouille connaît un nombre record de professionnels de haut niveau en plein cœur des années surannées faisant du pays la référence mondiale en la matière.
Malheureusement, le métier de la grenouille ne saura pas prendre le virage numérique des temps modernes² et l’exercer tombera en désuétude, envoyant au chômage des milliers de spécialistes.
Faire le métier de la grenouille : encore un savoir-faire unique de l’artisanat national qui se sera perdu.