[fèr dé kö o zéro] (gr. verb. COMMERC.)
L‘inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. Elle doit être distinguée de l’augmentation du coût de la vie.
Enfin ça c’est l’INSEE qui essaye de nous le dire simplement, mais nous on sait bien que le seul truc qui compte c’est que les prix aient augmenté, pas que ce soit la faute à pas de chance ou au sens de l’histoire.
En son temps suranné, le parleur qui maîtrisait la langue du même genre aurait rétorqué au très savant Institut de la Statistique et des Études Économiques que les deux mécanismes aboutissaient à faire des queues aux zéros, et que c’était bien la seule analyse qui vaille.
Cette expression frappée au coin du bon sens, issue de l’observation des soubresauts de la moindre douloureuse et de cette capacité administrative à dissimuler toute augmentation d’un prix derrière des sophismes sophistiqués assénés selon un bon vieil argumentum ad verecundiam, permettait de remettre à sa place l’argumenteur de service.
Faire des queues aux zéros brisait nette la tentation du bourrage de mou grâce à son image mi-naïve mi-animale de la représentation du vide inventée, c’est selon, par les Arabes, les Babyloniens, les Indiens, les Mayas.
Même si l’amharique parlé en Éthiopie, utilisateur lui aussi du zéro, avait bien du mal à faire des queues aux zéros, puisque dans son alphabet le zéro n’est pas un petit rond ventru mais un nuage de points (፨), l’expression fut utilisée dans toutes les langues pour prévenir la tentation de l’alourdissement ni vu ni connu je t’embrouille du prix de la baguette ou du café au zinc.
Faire des queues aux zéros atteint son apogée linguistique dans les années dites « pub », avec la systématisation des diverses tactiques commerciales poussant le gogo à consommer : étiquette de réduction de prix (sans prix de référence, il-faut-me-croire-sur-parole-quand-je-vous-dis-que-c’est-la-moitié-de-la-moitié-du-prix), offre de remboursement si pas content (sur envoi du ticket de caisse, de la photocopie sur papier vert de la carte d’identité de votre grand-mère et d’une photo dédicacée de la voisine), chèque cadeau (à utiliser le mois précédent l’achat du produit), et donc queues aux zéros (avec un 5,90 devenant 5,99 par exemple).
Une fois de plus c’est la technique qui rendit surannée l’expression. L’avénement du code barre et ses lignes parallèles d’épaisseur variable fit disparaître le bon vieux prix dessiné à la craie sur l’ardoise épicière. Désormais encodé en signes tarabiscotés, débarrassé de ses 0 et de ses 9 à queue, le prix moderne peut s’en donner à cœur joie et yoyoter à souhait sans qu’on puisse lui objecter qu’il fait des queues aux zéros.
Et puis 9,99 c’est pas cher. Je vais en prendre deux.