[fɛʁ tɛ̃tɛ̃] (loc. verb. MONNAI.)
Préambule : l’expression étudiée ci-dessous n’a aucun lien avec un célèbre reporter Belge à houpette, globe-trotter infatigable toujours suivi d’un fox-terrier bavard.Même si dans certains domaines le fameux Tintin fit tintin¹, il n’est aucunement à l’origine de faire tintin.
C’est à un son, un peu celui des pièces qui tintent dans la poche, que l’on doit le tintin dont il est question en ces lignes.
L’attentif gueux du XIIIᵉ siècle a en effet décidé que c’était là l’onomatopée adéquate pour désigner la bourse pleine de piécettes. On ne pourra lui donner tort. Ça fait tintin quand on en a plein les fouilles. Cent ans plus tard (au XIVᵉ donc), faire tintin c’est payer en espèces sonnantes et trébuchantes ce qui demeure dans la logique originelle (et ce d’autant plus facilement que ni le chèque ni la carte de crédit n’ont encore vu le jour).
Une petite monnaie qui va tintinnabuler jusqu’à ce que faire tintin signifie être privé de quelque chose.
C’est vraisemblablement une inflation galopante qui a créé le glissement sémantique, lorsque le prolétaire moyen s’est aperçu qu’avec ce qu’il avait en poche il n’avait droit à rien, pas même un quignon de pain. À cet instant cruel où il pouvait toujours faire le malin en faisant tintin avec ses piécettes mais où il ne pouvait même pas se payer de quoi subsister, est née faire tintin.
Faire tintin est ainsi devenue l’expression d’être privé de quelque chose, de se passer de quelque chose bien malgré soi.
On la retrouve dans la cour de récré, à l’apogée des années surannées, quand en réponse à une demande de participation à une partie de billes ou à un chat perché, l’élève honni se voit répondre tintin². Comprendre que tchi, nada, que pouic, peau de balle.
Signalons l’éphémère existence de tintin la balayette, savant mélange de faire tintin et de dans le cul la balayette, qui tiendra un temps le haut du pavé en matière de refus péremptoire mais pâtira de la disparition en surannéité de ses deux composantes.
Les minauderies incessantes de l’animateur de La Chance aux chansons, Pascal Sevran, s’extasiant avec des « oooh ! » et des « aaah on est bien, hein Tintin ! » troubleront tant le sens de faire tintin que la formule s’étiolera. Elle est aujourd’hui désuète.