[fèr trâblé la vòlaj mòrt] (loc. verb. COT. COT.)
Il est plus que probable que l’expression étudiée ci-dessous ait fait l’objet d’un très large complot visant à la faire disparaître.
Sa résonance trop forte et imagée avec l’actualité moderne qui n’aime pas que l’on se gausse de ses chantres (experts, spécialistes, consultants, et autres sachants-sans-doutes en tous genres), en aura fait une proie et les tenants de la juste pensée l’auront poussée au suranné. C’est certain.
La lire ici fait de vous des complices de sa mémoire. Vous étiez prévenus.
Faire trembler la volaille morte n’est donc plus utilisée depuis que la palme revient à celui qui parle le plus fort. Certains font porter à Bernard Tapie l’entière responsabilité de la pandémie qui décima la basse-cour, d’autres prétendent que la disparition télévisuelle du Petit Rapporteur est une date clef, et selon toute vraisemblance la béate et mercantile admiration portée par de riches puissants aux œuvres de Damien Hirst ne serait pas sans responsabilité dans l’affaire.
Et même si ces responsabilités sont bien sûr diluées, faire trembler la volaille morte n’est plus synonyme de dire une bêtise plus grosse que soi ou prétendre une incongruité énorme depuis belle lurette.
Le poulet peut reposer en paix, aucun frémissement d’effroi devant l’ampleur de la connerie mise sur la place publique ne viendra bafouer son dernier sommeil. Bien au contraire, les affirmations des uns et démonstrations des autres lui assurent de demeurer aux côtés des Dieux du poulailler pour très longtemps encore.
Dans les lointains temps surannés où le bon sens était dit paysan, faire trembler la volaille morte valait pour cinglant désaveu au bonimenteur quelconque venu déballer ses salades à la tribune médiatique et publique. Plus fort que n’importe quel sortilège vaudou à base de patte de poulet, la locution fouettait le rodomont cherchant l’onction du suffrage universel, bannissait à jamais le charlatan vendeur de produits vérolés, et boutait hors des murs de la ville le banquiste venu arnaquer le bon peuple.
S’il était dit de quelqu’un qu’il faisait trembler la volaille morte, son sort était scellé. On comprend dès lors l’intérêt de tous les discoureurs à plumer la bestiole et à la faire rôtir vite fait.
Pour clouer définitivement le bec à cette langue arrogante et critique, la volaille fut enfermée dans des hangars immondes, loin des regards qui auraient pu la contempler tremblante une fois le cou tordu. L’élevage en batterie et le poulet aux hormones zigouillèrent tout autant la recette ancestrale de la poule au pot ou du poulet basquaise que l’usage de faire trembler la volaille morte.
Les hâbleurs peuvent hâbler, les vantards se vanter, et les prétentieux prétendre : la volaille est bien morte. Elle ne tremblera plus devant l’immensité de leur bêtise.