[fèr ê bid] (fam. SPECT.)
Si l’échec est toujours cuisant pour l’artiste quelle que soit son époque, en ces temps d’autrefois il se trouvait en sus ventripotent, une tare mal-aimée comme on le voit aussi dans Gros-Jean comme devant.Oui, parfois la langue surannée à cela qu’elle est puissamment humiliante quand elle se met en tête de vous la mettre sous l’eau (la tête). Il est ainsi cette expression qui dote d’un surpoids bedonnant celui qui n’aura pas eu l’heur de plaire à son public et que nous allons donc de concert étudier sur le champ.
On dira donc du comédien qui a déjà reçu tomates et quolibets qu’il a fait un bide. Un bon gros bide même se chargeront de rappeler les acerbes critiques. Un bide commercial persifleront les marchands du temple qui ne siègent jamais très loin. En plus de son amour-propre le malheureux aura perdu sa bourse.
Il semble que la tirade se soit construite sur l’idée qu’il n’avait qu’à ramper pour éviter la honte et surtout quitter la scène, le médiocre poseur qui avait massacré un beau texte ou l’audacieux qui avait mal choisi son époque. Je ne souhaite pas ici déclencher une bataille d’Hernani mais on sait bien que faire un bide est souvent relatif selon que l’on sera classique ou romantique. Et tout le monde n’a pas la possibilité de se voir soutenu par l’armée romantique qui fit la claque au grand Victor avant qu’il ne s’en aille reposer au Panthéon.
Mais je m’égare, revenons à nos moutons.
L’époque moderne qui est, rappelons-le, posée sur un principe supérieur de précaution, s’est dotée d’un outil imparable qui lui évite précisément de faire un bide. De nos jours le rigolo (car le bide est fréquent en humour) peut se munir du LOL afin de signaler à son auditoire trop distrait que le moment de s’esclaffer est arrivé.
L’acronyme fut créé pour pallier le bide, Laughing Out Loud¹ s’entendant à la fois comme un ordre et un conseil d’ami et je dois avouer parfois regretter qu’il naquit aussi tard : car j’en ai fait des bides, que ce soit en improvisant ou même en blaguant Carambar. LOL m’eut été utile plus d’une fois, et qui sait si armé de ces trois lettres capitales je n’aurais pas alors embrassé une carrière me portant au firmament qu’ont atteint brillamment quelques caustiques de télé-réalité ou de radio-crochets. Mais je n’ai pas eu la chance de connaître le LOL. Alors j’ai fait un bide.
L’audace est souvent peu goûtée par les dogmes et canons engoncés et il faut bien admettre que bafouer la règle comme seul principe n’est pas toujours heureux. Faire un bide est donc aussi facile que ne pas essayer mais nettement moins confortable vous l’aurez bien compris. Cela dit vous contenter de juste ne pas oser ne vous dotera pas pour autant d’abdominaux resplendissants (soit l’inverse du bide). Osez mes amis, osez !
Osez écrire peindre ou encore déclamer, osez tout quitter si vous n’êtes pas heureux, osez déclarer votre flamme, osez escalader cette montagne. Je sais bien que ce n’est pas facile, que vous craignez le bide, mais en prendre un n’est rien à côté du plaisir d’un regard complice, celui d’un type au premier rang qui trouvera que vous avez du talent, celui d’une blonde cachée dans l’ombre qui vous dira par son silence qu’elle vous trouve beau comme un Dieu.
Ceux qui ne hurlent pas avec la meute font moins de bruit mais ils sont toujours là, surtout quand vous faites un bon bide. Osez !