[fèr ên- éfè bëf] (loc. verb. MEUH.)
Depuis qu’il a veillé l’enfant Jésus dans la crèche, le réchauffant de son souffle vraisemblablement chargé comme l’haleine d’un arsouille, l’eunuque animal fait partie du paysage culturel (pour ce qui est du cultuel, voir avec votre fournisseur habituel).
Le bœuf, puisque c’est de lui dont il s’agit, avait cependant bien avant cet épisode nazaréen rejoint l’homme dans son quotidien, puisqu’il y a 17 000 ans mon arrière-grand-pèren le peinturlurait sur les parois de sa grotte en Dordogne¹. Ce qui laisse à penser que, déjà, quelque enthousiasme de l’esprit pouvait lui faire un effet bœuf.
Cependant, à l’époque, la pauvreté des concepts disponibles et la légèreté des modes d’expressions (pour rappel de « agougou agougou » à « humffff » et « grgrgrgrgr ») ne permettaient pas de formuler en langue dite surannée l’émotion ressentie. En ce temps que nous autres spécialistes disons pré-suranné, faire un effet bœuf passait donc par le gribouillage d’aurochs sur les murs de la grotte commune.
Ainsi dans la salle des taureaux à Lascaux, les cinq bovins qui gambadent avec des chevaux, une licorne, des cerfs et un ours sont-ils selon toute vraisemblance le résultat d’un coup de foudre Magdalénien pour une blonde Magdalénienne². En lui offrant ces fresques il lui déclarait qu’elle lui faisait un effet bœuf.
Avec la domestication du bos taurus vers -10 000 et la découverte qu’en rognant sur sa virilité il calmait sa tendance naturelle à vouloir encorner quiconque l’enjoignait de tirer la charrue, faire un effet boeuf continua sa tranquille carrière expressive s’appliquant désormais à toute perception saisissante, y compris hors registre amoureux.
Faire un effet bœuf pourrait même s’être fixé dans la langue grâce aux périodes de carnaval comme l’animal ouvrait le défilé et emportait de fait les vivats de la foule qui se voyait déjà déguster les côtes et le filet, les rumstecks et les faux-filets, l’araignée, la poire, la hampe, le merlan ou l’onglet.
L‘irruption consciencieuse d’une morale végétarienne et la juste prise en compte de la souffrance animale obligèrent conjointement faire un effet bœuf à restreindre ses effets. L’exode urbain qui fit du bœuf un animal de foire exhibé chaque année devant les yeux ébahis de Parisiens circonspects, n’arrangea rien au destin de faire un effet bœuf qui tenta un exode musical avec faire un bœuf, expression sélective qui ne confirma pas tous les espoirs mis en elle.
Il n’est plus guère aujourd’hui que quelques vieux cons surannés et sensibles à qui une souleur³ peut faire un effet bœuf. Le moderne, lui, est vegan en sentiments.
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