[fèr yn tèt de mesjö vòtre bit a ê ɡu] (loc. verb. BIT.)
Il existe de nombreux degrés dans la grimace de dégoût. Conséquemment, des dizaines d’expressions les traduisent, souvent avec une précision telle que leur simple énoncé peut entraîner des nausées voire écorcher le renard. La force évocatrice du langage…
Au niveau six sur une échelle de un à dix (le 6 a fait l’objet de très longs débats sur lesquels nous ne reviendrons pas ici), glotte saillante, lèvres serrées et nez pincé synthétisent une mimique d’aversion dénommée faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût.
On reconnaît immédiatement le style à la fois chatoyant et précis de la langue surannée dans ce faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût. Lyrisme et précision, rythme de la scansion, égards et politesse jusque dans le reproche, car forme de grief il y a : tout y est.
Bien entendu les pisse-froid censureront faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût pour son aspect un petit peu abrupt, mais l’enjeu de la compréhension est bien supérieur à leurs pudeurs. L’attitude unique de celui ou celle qui fait une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût ne trouve d’ailleurs aucun synonyme qui rende aussi bien la mimique complexe qui anime le visage, preuve s’il en fallait de son indispensabilité. « Avoir l’air coincé » est un pis-aller, « se raidir » est loin du compte et « se tenir avec un balai dans le cul tout en faisant la gueule » est pour le coup vulgaire.
Peut-on utiliser faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût sans y avoir précisément goûté est une question qui se pose bien légitimement. La réponse est évidemment positive puisqu’il ne s’agit que d’une simple image, l’hygiène corporelle d’un interlocuteur (ou la sienne propre) ne pouvant être remise en cause dans le cadre d’une discussion, même la plus animée. L’on pourra ainsi reprocher à un contradicteur de faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût sans savoir s’il (ou elle) a sur la langue les traces d’un amour déçu (trop salé, trop sucré, acide ou au contraire amer).
Pudibonde, muse moderne de l’époque du même nom, ne pouvait évidemment pas en rester à faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût. Refusant obstinément de se délecter de l’une des plus explicites expressions que le passé lui avait naïvement léguées, elle recracha faire une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût dans le caniveau, la vouant à l’oubli.
Difficile à avaler pour qui aime la chose surannée.
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