[falzar] (n. m. PANTAL.)
Céline et Proust usaient du mot suranné que voilà, excusez du peu. Quand je vous dis que la Maison fait dans le sérieux… Je signale au passage que cette présence dans l’œuvre de ces deux géants l’a rendu valable au Scrabble et qu’avec son Z bien placé vous devriez pouvoir faire un carton.
Certains savants forts en langue nous importent falzar du grec, du turc, de l’hindi aussi, mais sans jamais réellement nous convaincre. Explications tarabiscotées, thèses capillotractées, ces définisseurs de profession s’agitent en vaines pantalonnades pour remonter aux origines du pantalon.
En réalité, le falzar nous est arrivé par bateau et grâce aux marins Perses, šalvār, šulvār, signifiant pantalon de marin et de voyageur. Je ne saurais être plus précis et vous dire si Sinbad lui-même, marin au temps si suranné de la dynastie des Abbassides, apporta le mot mais je suis sûr qu’il en porta (des falzar, pas des mots).
La transformation du suffixe -var en -zar trouve tout son sens au XIXᵉ siècle dans l’argot de nos faubourgs friand de ces terminaisons en -zar et hop, falzar devient une pièce maîtresse du vestiaire au pays de la mode et du chic. Il se décline en toile de coton, en lin, en velours, en denim, en cuir et même en latex pour les plus suggestifs.
Car le falzar peut être pernicieux. A tel point qu’une ordonnance du préfet de Police de Paris du 16 brumaire an IX en réglemente le port pour les femmes, les obligeant à se présenter à la préfecture de police pour y être autorisées et uniquement pour motif médical. Il faudra attendre Yves Saint-Laurent pour qu’elles puissent le porter vraiment élégamment.
Mais le falzar possède aussi un côté sombre. Manipulé par les hommes il deviendra à certains moments de son existence une cause de terreur et de terrible erreur. Lucien Jean Baptiste Bersot, soldat du 60ᵉ régiment d’infanterie pendant la Grande Guerre fut exécuté le pour avoir refusé de porter un pantalon en loques et maculé de sang ayant appartenu à un de ses camarades mort quelques jours plus tôt sur le front de l’Aisne. Fusillé pour l’exemple et surtout pour un falzar troué…
Les modernes à la mode de je ne sais où qui se pavanent avec leur baggy et slibard apparent n’imaginent pas un seul instant ce à quoi ils échappent. En 1914 c’était le peloton d’exécution pour moins que ça !
Lucien Jean Baptiste Bersot fut réhabilité le
Le falzar disparut du paysage et devint donc suranné vers la fin des années 70, après un dernier élan créatif qui le fit se finir en pattes d’éph. Étonnant d’ailleurs de constater qu’il s’éteint presque en même temps qu’un animal encore plus vieux que lui, mais ceci est une autre histoire.
Apparurent tour à tour le pantacourt, le pantalon de survêtement Tacchini ou le Lazer Adidas, le cuissard de coureur cycliste, le baggy vu ci-dessus, le jogging, la salopette, autant de défaites qui autorisèrent le falzar à demeurer suranné.
On notera une dernière apparition publique remarquée dans le chef d’œuvre lui aussi suranné, La 7ᵉ Compagnie au clair de lune, dans un dialogue ciselé entre trois monstres du cinéma français, Henri Guybet, Pierre Mondy et Jean Lefebvre, que je vous livre ici en guise de conclusion :
-Tass… Teissine ! Done tone falzar.
– Hein ?
– Done ton falzaaar. C’est pourtant simpeul, no ?
– Oh ! Oh yes ! Done tone falzaar !
La 7ᵉ Compagnie au clair de lune, 1977.