[fésé sé pul] (loc. verb. COTCOT.)
Pas question en cette définition d’une quelconque allusion à un maquereau violent corrigeant ses gagneuses d’une claque d’arrière-train. Rien non plus sur les phantasmes tarifés de domination sur call-girl consentante, rassurez-vous. Et pas davantage de contrainte exercée sur les plumes de quelque pondeuse de basse-cour que ce soit.
Avec fesser ses poules il n’est nullement question de souffleter une cocotte avant de la plumer ou de lui chercher dans le fondement de quoi finir le mois, mais vous vous en doutiez car vous savez que la langue surannée aime faire dans le détour pour s’exprimer. Fesser ses poules c’est boire jusqu’à l’ivresse, et il nous faut bien admettre de la difficulté à envisager le chemin tortueux qui mena des galliformes à la biture.
Bien entendu on fessa plus que de raison au 32 de la rue Blondel (Paris IIᵉ arr.) dans l’établissement fort justement dénommé « Aux belles poules »¹, et on s’y enivra aussi, mais cela ne semble pas suffisant pour faire expression (quoique faire le grand Chabanais provienne, elle, d’une autre maison close; mais ceci est une autre histoire).
Si l’on creuse du côté du verbe plutôt que de celui de la bagatelle, on découvre que le châtiment sur croupion – exprimé traditionnellement dans son verbe fesser – est aussi synonyme d’étourdir et s’utilise à propos d’un alcool capable d’assommer le plus gaillard avec ses degrés élevés. On dira par exemple du tord boyaux sorti de l’alambic d’un grand-père bouilleur de cru amateur qu’il fesse. Le rapport à l’alcool de fesser ses poules est ainsi établi.
Reste à trouver la poule, et admettons humblement qu’en dehors de l’idée de la bouche en cul de ladite bestiole que l’on fera avant d’avaler le liquide frelaté susnommé, il n’y a pas d’explication qui puisse mener sans discussion à fesser ses poules.
Admettons-le : fesser ses poules est un demi-mystère.
Bien opportunément, à l’aube d’une modernité toujours bienveillante, les débats parallèles sur les ravages de l’alcoolisme, les punitions corporelles et la cause animale enverront fesser ses poules s’assoupir, ivre, dans quelque caniveau où elle se fera oublier.
Le contemporain ne fesse plus ses poules, il binge drink. Wokay ?