[lé fiS animo] (n. com. ANIM.)
Le macareux moine, le loup d’Abyssinie, le tigre de Sumatra, le gecko géant de Madagascar, le tisserin gendarme, vivaient en une meute iconoclaste, un peu comme s’ils étaient encore dans le jardin d’Éden. L’arc-en-ciel bigarré de leurs couleurs chatoyantes, l’exotisme de leurs appellations étaient autant d’appels au rêve et à la collection…
Généralement les fiches animaux débarquaient gratuitement, jointes à un Pif Gadget ou reçues directement par courrier (pour les djeuns’ le courrier consiste, dans les années surannées, en une enveloppe de papier remplie d’autres papiers déposée par un préposé des P&T dans une boîte métallique sise en limite de propriété ou en entrée d’immeuble).
La lecture de ces fiches animaux me donnait le sentiment puissant d’être Daktari, puisque désormais je savais distinguer le tigre de Sumatra de celui de Java grâce à son pelage plus foncé et ses rayures plus épaisses, que j’étais capable de trouver le gecko de Madagascar dans les feuillages des arbres à mi-hauteur et dans les recoins assez humide de la canopée, et que je pouvais me faire accepter au sein des dernières meutes de loups d’Abyssinie, là-bas sur les hauts plateaux d’Éthiopie.
Les cinq fiches animaux reçues en cadeau ne vivaient pas seules : des centaines d’autres pouvaient suivre à condition de s’abonner pour la modique somme de 5 Francs par mois… plus quelques menues obligations rédigées en petits caractères suspects. Une prestigieuse boîte de classement en pur plastique pouvait même être offerte si la réponse et le chèque parvenaient aux éditions trucmuche dans les plus brefs délais.
C’est vraisemblablement la lecture desdits petits caractères suspects par diverses hautes autorités, adossée à un rapide calcul de prix de revient des plus de 300 fiches animaux, qui eut raison de l’ours lippu, de la caille des blés, du cacatoès rosalbin et du tamarin lion doré.
Les petits cartons de papier glacé format 10,5 par 12,5 centimètres devinrent surannés et rejoignirent dans un carton entreposé au grenier les engouements de milliers de petits éthologues déçus que leur passion face l’objet d’un vil chantage commercial. Aujourd’hui qu’ils sont tous devenus de vieux cons surannés ils ouvrent parfois ce carton en secret pour tout savoir sur le tigre de Sumatra qu’ils n’ont pas su sauver¹.