[filé le trakzir] (loc. arg. TROUIL.)
Peut-être pour conjurer la peur, plus certainement pour échapper à une immédiate compréhension qui ferait passer pour un pleutre, la langue surannée a-t-elle créé ce suffixe en -zir qu’elle additionne au trac (entendu comme un diminutif de trouille) et aboutit à filer le traczir.
Ce serait bien son genre que faire ainsi des détours argotiques pour ne pas admettre qu’elle a bien les chocottes. Car c’est la cas quand elle nous sort que ça lui file le traczir.
C’est cependant une pétoche particulière qui prend à ses débuts le nom de traczir : elle est initialement celle qui touche les apaches, les voyous, les forçats envoyés casser des cailloux à Cayenne pour s’occuper en attendant la fin. Filer le traczir c’est le langage du fagzir, celui qui trime au bagne.
Et comme au biribi il est impossible d’admettre qu’on a les miquettes à zéro sous peine de finir en souffrance, le traczir débarque à point nommé : il aide à ne pas faire passer pour péteux celui qui cauchemarde en se remémorant le clip de Love is all, il soutient le poltron qui fait dans son caleçon devant le maître nageur de la piscine municipale (celui qui balance tout le monde dans le grand bain), il permet au froussard qui pleure quand il doit faire une photo avec le Père Noël de faire croire qu’il avait une poussière dans l’œil¹.
Tous ces trucs effrayants qui fileraient le traczir au plus belliqueux des chiourmes sont ainsi pudiquement effacés derrière une formule que le dictionnaire n’entend pas.
Le 1er août 1953, les derniers bagnards quittent leurs quartiers abolis et rapatrient dans leur baluchon ce traczir des antipodes qui va ainsi se développer dans la langue hexagonale populaire.
À la moindre venette on a désormais le traczir, et du plus tremblant des pétochards au rodomont qui tâche son calcif en silence on partage l’expression.
Filant le parfait amour avec la langue des faubourgs filer le traczir filera pourtant en surannéité, dépassé par un étrange système d’inversion des syllabes qui aboutira au djeunisme faire péfli (lui-même hérité de faire flipper sans qu’on ne puisse réellement comprendre ce que les mythiques Solar ride, Spring Break ou Volcano du Balto venaient faire dans cette histoire).
C’est cela dit toujours plus propre que chier dans son froc. Le moderne n’a pas toujours tort.