[la fê dé ariko] (gr. nom. LÉGUM.)
Parce qu’elle entend aussi répondre à l’alanguissement avec image et élégance, la langue surannée s’est dotée d’une formule signant le bout du bout, la finitude, le plus rien après ça, la dernière station avant l’autoroute qui ne mène nulle part.
Et parce que pour un Français il n’y a rien de pire que d’en venir à bouder un repas pour cause de mets indélicats à son palais, c’est avec la fin des haricots qu’elle a décidé de graver cet instant.
La fin des haricots marque en effet l’aboutissement d’une spirale défaitiste, comme ce dernier repas fait à base de fayots, ultimes denrées disponibles sur un navire au long cours égaré vers le pot-au-noir. Une fois ces fayots ventilés, c’est la fin de haricots : plus rien à manger.
La provenance maritime est une des nombreuses hypothèses qui courent dans les cercles savants sur l’origine de cette expression, tout comme celle d’un d’aliment des pauvres que l’on ne mangerait donc que quand on n’a vraiment plus rien à se mettre sous la dent, ou encore celle des haricots simulacres de monnaie dans les jeux de société, perdus donc quand c’est la fin des haricots.
Si l’on se penche un peu sur les contes populaires, et notamment ceux classifiés AT 328¹, comme le fameux Jack et le haricot magique, on s’aperçoit que la fin des haricots peut aussi s’avérer fructueuse puisque c’est la fortune que le chenapan trouvera au bout de la tige érectile², contredisant la thèse qui veut que la fin des haricots sonne l’hallali.
Cette assertion séduisante mais osée ne résistera cependant pas à l’expérience des plats concoctés à base de haricots extra-gros offerts par un voisin maraîcher médiocre tout autant que sadique, à qui une bonne partie de la jeunesse d’avant doit des repas douloureux dits « tu-ne-sortiras-pas-de-table-tant-que-tu-n’auras-pas-terminé-tes-haricots »; les hauts-le-cœur générés par la mastication infinie d’une boule de fils vomitive faisant bien apparaître la fin des haricots comme une épreuve ultime.
Normalisateur dans l’âme, le moderne introduira le fin et l’extra-fin comme règles de production et de consommation des haricots, et fera par là-même de la fin des haricots une notion surannée puisque désormais elle s’atteint sans détresse. Un mal pour un bien en quelque sorte.