[fikseSosèt] (n. comp. BONNET.)
N‘en déplaise aux égalitaristes en tous genres, femmes et hommes ne sont pas sur pied d’égalité quand il s’agit de se pencher sur l’élégance et le pouvoir d’attirance d’une cheville ou d’une jambe infinie. Pis encore, j’accuse ici les modernes d’avoir volontairement relégué au suranné un accessoire dont l’absence voue désormais le mâle à l’inconvenance puisqu’il lui faut remonter ses chaussettes toutes les dix minutes.La chaussette véritable, prenons par exemple celle de la maison Gammarelli¹ qui s’occupe des petits petons du Pape depuis 1798, est en matière naturelle et ne contient aucune formule magique qui la rend élastique. Idem pour les vertes Mazarin Grand Faiseur du tailleur Alain Stark qui habille nos confrères Immortels de pied en cap.
Pour magnifier la cheville qu’elle enserre, la mi-bas (celle qui ne laisse point voir le mollet) se doit donc de demeurer raide comme la justice tout au long de la journée : seul le fixe-chaussettes lui confèrera cette immuable rectitude. Cette jarretelle masculine fixée juste au dessous du creux poplité est l’équivalent au temps de la chaussette élégante du désormais ultra-sexy porte-jarretelle féminin sur lequel je me garderai bien de digresser car j’en vois déjà un ou deux qui en bavent.
Avec ses pattes de cuir et son système d’attache plat, le fixe-chaussettes et sa fonction anti-apesanteur permettent à l’homme de ne pas faire un pli et donc de demeurer crédible car, comme chacun le sait, là où la chaussette tire-bouchonne la parole n’est pas bonne².
En 1958 après dix années de recherche, DuPont met au point un matériau particulièrement élastique dérivé du polyuréthane qu’il dénomme Lycra. L’industrie du textile s’en empare, et son puissant marketing installe l’élasticité comme un argument de confort et d’esthétique. La réclame nous vante désormais les qualités de chaussettes qui ne descendent pas grâce à leur formule nouvelle. Sur sa lancée elle nous créera la chaussette Mickey (généralement adoptée par les sous-chefs de service en charge de la photocopieuse), la chaussette de tennis que certains s’évertuent à porter en toute circonstance c’est-à-dire y compris en smoking, et la chaussette de contention qu’on porte avec une volupté affichée qui continue à m’échapper lors d’un Paris-New York ou de tout autre séjour en altitude.
Bref, vous l’avez compris, le Lycra vient de pousser le fixe-chaussettes très loin tout au fond du placard. Sans fixe-chaussettes la chaussette connaîtra des heures sombres, s’affichant trouée chez Jean-Marie Messier, dépareillée chez les plus étourdis, roulée à la cheville chez les plus négligents.
L’exigence masculine ne descend plus à la cheville alors qu’on l’a pourtant laissée à la cuisse féminine. Ne me dites pas le contraire, j’en perdrais mes dernières illusions…