[flërfès] (n. masc. JUDA.)
On en a tous connu au moins un. Ce petit fayot à lunettes qui désignait le lanceur de boulettes en papier, ce fourbe qui balançait qu’on avait copié pendant la dictée, cet espion qui nous dénonçait aux autorités scolaires pour être celui qui avait amené cet orvet uniquement destiné à faire marrer les copains¹. Cet aigrefin qui se croyait malin parce qu’il mouchardait au barbacole et que, pour nous, ça finissait en colle.
Vous savez, ce genre de salopard qui s’approprie la gloire de vos heures de travail, qui flatte le chef et est toujours d’accord… Le langage suranné lui a taillé une dénomination sur mesure à ce sycophante à côté de chez qui il ne valait mieux pas habiter en 1940 : fleure-fesses.
Non pas fleurs fesses, comme ces colorés et secrets tatouages que vous découvrîtes en faisant connaissance de… mais non, ceci est une toute autre histoire qui nous égare, mais bien fleure-fesses, du verbe fleurer ou sentir bon. Car fleure-fesses marque tant l’autorité à la culotte que c’est dans le sillage du sillon inter-fessier, crena interglutealis, qu’on le trouvera le plus souvent, humant autant qu’il peut l’arrière-train supérieur qu’il vénère comme un saint.
Fleure-fesses colle au cul et c’est cette position qui lui permet de susurrer à l’oreille maîtresse les forfaits des vilains qui ne suivent pas les chemins qui mènent à Rome. Car plus que tout le fleure-fesses à horreur des chemins de traverses, des idées neuves et des témérités. Alors le fleure-fesses rapporte, flagorneur, et tire satisfaction de la sanction qui touchera le déviant.
Médiocre fleure-fesses, je dois te remercier. Grâce à ta fourberie j’ai pu apprendre l’amitié, la vraie, celle qui se déclarait solidaire du forfait et acceptait sans broncher de noircir elle aussi des lignes de je ne ferai plus ceci ou cela, celle qui faisait le guet pendant que je dessinais au tableau la supposée anatomie du surgé, celle qui gloussait quand tu fanfaronnais avec ton titre ronflant de grand mamamouchi sur ta carte de visite.
Le reniflement ostentatoire du séant dominant est devenu désuet, l’effluence n’étant plus un sujet en odeur de sainteté en notre belle modernité. Le fleure-fesses cependant n’a fait que changer de nom et désormais on le tancera de toujours coller mais surtout de s’occuper d’une autre partie de l’anatomie de son chef vénéré. Quoique lèche-cul soit toujours usité.
Peu importe : sans toi, fleure-fesses, le risque n’aurait pas eu le même goût. Alors trouve en ces lignes que tu ne liras pas, à la fois l’expression de mon éternelle gratitude et celle de mon plus profond mépris.
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