[fym sɛ dy bɛlʒ] (exclam. INSULT.)
Va savoir comment, va comprendre pourquoi cette expression surannée m’est soudain remontée en conscience.
Une sévère volonté d’envoyer tout valser ? Un désaccord fondamental avec un banquier sur l’utilisation du morceau de plastique rectangulaire relié à mon compte courant ? Un automobiliste professionnel du transport de personnes qui aurait tenté de m’écraser alors que je traînassais trop à son goût sur mon vélo dans la voie royale et urbaine qui ne devrait être dédiée qu’à son usage exclusif ? Ou plus vraisemblablement un remous au cœur de la mangrove inquiétante qui me sert de cerveau. Quoi qu’il en soit fume c’est du belge c’est du lourd, tant en suranné qu’en signifiant.
Comme bien souvent je crois avoir croisé fume c’est du belge pour la première fois dans la bouche graveleuse de l’inspecteur Bérurier. Alexandre-Benoît de son prénom baptismal, figure rabelaisienne du 36 quai des orfèvres, fut l’un de mes formateurs les plus professionnels à l’insulte surannée. Et comme j’ai lu bon nombre de ses exploits au cours de ma jeunesse sans Wifi, j’ai pu sans grand mérite me bâtir un bréviaire conséquent me permettant d’opérer en toute situation.
Revenons en arrière.
Lorsque je le découvre, cette innocence naïve et sincère qui m’habite toujours étant déjà présente, je ne pense pas à mal. Et puis le gros Béru, l’Enflûre comme dit San A, m’a déjà largement initié à son univers imagé. J’envisage donc subrepticement un vague lien avec un tabac particulier qui nous viendrait du plat pays, et puis ça y est je suis passé à la ligne suivante et ce n’est finalement pas important puisque Béru est certainement en train de mater un malfrat ou de régler son compte à une tête de veau vinaigrette; ou les deux. Fume c’est du belge s’évanouit donc gentiment dans ses volutes langoureuses. Je le recroise un peu plus tard en éructation-ponctuation finale de parties de tarot dans des bistrots peu fréquentables mais comme je n’aime pas les cartes et ne fréquente que des lieux fréquentables je l’oublie à nouveau.
Et un jour c’est le choc. Grâce à l’entremise créative d’un fort en mime et en gueule, au milieu d’une discussion animée, comme ça, je comprends l’allégorie subtile de l’appel péremptoire à la consommation de tabac du royaume de Belgique. Le tabac, dont on bourre les pipes ! C’était donc ça fume c’est du belge. Une injonction à une pratique sexuelle à lire en creux comme un refus et de fait comme insulte ?
Aujourd’hui encore la structure m’en semble peu sûre. Fume c’est du belge est tellement alambiquée qu’on la dirait extraite par un bouilleur de cru aveuglé par l’alcool se démenant avec ses dernières synapses survivantes.
Non, vraiment fume c’est du belge ne peut être qu’une de ces boutades surréalistes dont nos voisins Wallons et Flamands ont le secret. On dira donc pour la définir, puisque c’est ici notre rôle, « fume c’est du belge : ceci n’est pas une pipe ».
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