[Ziɡòlèt] (n. fém. LAP.)
Comme vous je m’offusque des affres d’une langue française qui n’a de cesse depuis des temps immémoriaux de transposer des termes de cuisine en descriptifs féminins et d’en faire des qualités ou des défauts. Comme vous cette inclination phallocrate du mot me scandalise, mais que voulez-vous, chacun doit porter sa croix et je serai ainsi contraint d’étudier dans les lignes qui suivent un mot qui, heureusement, a disparu des bouches vertueuses¹.La gigolette nous vient donc de la cuisine et plus précisément du lapin, qu’il soit géant blanc du Bouscat ou même géant des Flandres, lièvre belge, fauve de Bourgogne ou rex du Poitou. En novice des fourneaux je ne prétendrai pas ici vous confier la recette de ce morceau de choix qui propose une viande tendre et savoureuse. Je vous engage simplement à le goûter lors d’un passage chez mamie (oui, la gigolette est une spécialité de grand-mère), ce qui vous permettra au passage de lui faire un bisou. Si vous possédez quelque belle-mère n’hésitez pas non plus à commander une gigolette de lapin, de canard ou de poulet pour dimanche prochain, avec des girolles et un petit Bourgogne vous devriez aimer. Mais ceci est une autre histoire.
Car la vraie gigolette, qui possède tout comme son homologue lagomorphe à longues oreilles une chair fraîche et savoureuse, celle dont il me faut bien vous parler, celle que vous attendez (bande de coquins), se trouve plutôt dans les bals populaires. Bien entendu on est dans des temps surannés puisque le baloche a disparu (en dehors de celui du 14 juillet) et qu’on ne danse plus la java dans les rues.
Jeune fille aux mœurs supposées faciles, la gigolette, que Brassens nous contait comme grisette dans sa supplique pour être enterré sur la plage de Sète (Quand mon âme aura pris son vol à l´horizon, Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson, Celles des titis, des grisettes…), habite les faubourgs comme l’on dit alors. A Pantruche c’est en ces temps troublés dans la ceinture rouge peuplée de sa classe ouvrière que l’on croise le plus de gigolettes. Gitane au bec, elle vient battre le pavé des bals musette du côté du Moulin de la Galette ou d’une autre guinguette.
En faisant montre de la légèreté qu’on lui prête, peut-être trouvera-t-elle un prince charmant des beaux quartiers à déniaiser et, qui sait, à épouser.
Bien heureusement, de tels comportements que la morale des braves gens réprouve n’ont plus lieu d’être. La gigolette a disparu avec le mariage d’intérêts et l’avènement de l’amour comme unique raison pour deux êtres de convoler ensemble. Tout ça c’était avant, dans les temps surannés, quand Yves Montand faisait son récital pour rendre les gens heureux.
🎼🎶Ma gigolette, ça fait vieux,
Mais c’est chouette
On sera vieux si tu veux
Que je m’entête à t’appeler gigolette
Pour être heureux tous les deux
Ma gigolette, ça fait bête,
Mais c’est chouette🎶🎶