[glise dəsy kɔm ɛl o syʁ le plym de œ̃ kanaʁ] (loc. anim. INDIFF.)
Quand peu chaut à l’homme des temps surannés – égaré qu’il soit en modernité ou les deux pieds bien ancrés dans l’époque, peu importe – il lâchera une tirade que le moins spécialiste des anatidés saura interpréter : « ça me glisse dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard ».
Nul besoin en effet de s’y connaître en colvert pour entendre qu’il se tamponne le coquillard de la remarque qu’aucun aura essayé de lui adresser.
En effet, quiconque aura croisé au Luco ou dans les marais profonds de nos campagnes un digne représentant des ansériformes au cou court et bec jaune aplati sait que sa plume est imperméable. Et même le candide le moins affranchi de l’école qui en serait resté au stade de la pêche desdits canards dans leur version plastique à la kermesse de fin d’année, conçoit que la bestiole est totalement étanche à l’eau.
Il n’y a donc aucune ambiguïté : quand ça lui glisse dessus comme sur les plumes d’un canard, l’interpellé s’en soucie comme de sa première chemise. Et de cette indifférence à l’observation découlera une certaine consternation pour le jaspineur. Il est sera pour ses frais, les chiens aboieront, la caravane passera et les canards s’envoleront la plume légère.
Glisser dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard évite l’emportement envers le moralisateur à la petite semaine¹. L’expression est en cela un élixir parégorique, calmant les coliques didactiques de ceux qui n’aiment rien tant qu’à redresser les torts. Le bien-pensant en demeurera coi, ravalant sa glose glaireuse tout en faisant une tête de monsieur-votre-bite-a-un-goût. Ne nous en cachons pas, ce canard à plumes est un chouïa insolent.
Bien que toujours vivant, le canard indifférent ne se croise plus. Affichant toujours plus haut une virilité guerrière, toutes gonades dehors le moderne désormais s’en « balek² » comme il dit. La poésie y a perdu, mais tant que le canard n’y laisse pas ses plumes nous nous en contenterons.