[partir â ɡòɡèt] (gr. verb. TATATATATAAA.)
Hélas, mille fois hélas, ce n’est pas pérorer que soupirer sur un sens de la liesse et de la réjouissance festive qui se serait perdu avec les années surannées.
Non que le moderne ne sache plus faire la fête mais santé publique oblige, désormais c’est sans alcool que la fête est plus folle. Il n’en a pas toujours été ainsi : suivez-nous dans le monde de la liesse et de la réjouissance.
Au XVIIIᵉ siècle, à Paris, sévissent des assemblées qui tiennent séances chantantes dans des bouges où la fête est accompagnée d’une quantité certaine de boissons alcoolisées, de celles qui font brailler même les plus muets après quelques gorgées. Ces goguettes nées véritablement en 1729 avec la société du Caveau vont faire florès dans toute la France jusqu’à la fin du XIXᵉ.
La goguette à gogo
Ainsi, hommes, femmes, enfants parfois, partent en goguette dans une ferveur carnavalesque à gogo (eh oui, à gogo vient de goguette) tout goguenards qu’ils sont ces goguettiers (mêmes origines), tout en prenant la sage précaution de ne jamais se trouver plus de vingt.
Non qu’à partir de vingt et un la fête en soit gâchée mais parce qu’un article du Code pénal¹ punit alors d’une sévère amende toute réunion de plus de vingt personnes :
Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours marqués pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu’avec l’agrément du gouvernement, et sous les conditions qu’il plaira à l’autorité publique d’imposer à la société.
La Ménagerie, la Lice chansonnière, les Gais Pipeaux, les Maboules du Haut-Judas, la Rigolade des Imbéciles, la Fanfare de Zoui-zoui les Pinchettes et autres goguettes font donc résonner leurs sérénades jusque tard dans la nuit mais toujours à dix-neuf ou vingt.
Et ils boivent et ils chantent jusqu’à atteindre ce point d’orgue où l’exultation bascule, déterminant ainsi le fait de partir en goguette : dès lors l’élocution se fait vaseuse, le propos s’imagine brillant, et la confidence étale ses émois.
Partir en goguette et tout son bruyant cérémonial disparaîtront sous les attaques répétées et conjointes des riverains ulcérés, des ligues de vertus, des cirrhoses contractées par les belligérants et des réveils douloureux du lendemain des mêmes goguettiers.
Dès le début du XXᵉ siècle quand les agapes nocturnes feront leur tintamarre on dira plus prosaïquement qu’elles partent en couilles plutôt qu’en goguette, à chaque époque son style.