[ɡros bèrta] (prén. BOUM)
Peuple belliqueux que celui de France qui honni l’Anglois et se gausse du Germain tant qu’il le peut.
Dès qu’il s’agit d’aller se colleter on peut compter sur les Gaulois, les Francs, et plus largement les Ésubiens, les Segobriges, les Salasses, les Bledontii, les Eguitures, les Gallites, les Nemetures, les Nerusiens, les Védiantes, les Velaunes, les Ambrons, les Avatiques, les Bodiontiques, les Brigianiens, les Capillates, les Nemalones, les Oratelli, les Pedemontani, les Tritolles, les Vergunnes, les Vordenses, les Graiocèles, les Ceutrons, les Nantuates, les Sédunes, les Ubères, les Véragres, les Tricastini, les Voconces, les Memini, les Albiques, les Cavares et bien évidemment les Salyens, qui, rappelons-le, forment tous nos ancêtres.
On est comme ça, faut pas nous énerver. Nous on a la castagne dans la peau.
En plus d’être bagarreur, ce peuple conquérant est quelque peu moqueur. Alors quand c’est son ennemi préféré d’outre-Rhin qui lui en donne l’occasion, il ne se gêne pas, il se bidonne. Il faut dire que le Wisigoth est souvent à la hauteur de ce qu’on attend de lui de l’autre côté de la ligne Maginot en matière d’efficacité et de caricature en ces temps surannés.
L’un des meilleurs exemples qui soit est celui de ce canon qui emporta les défenses dernier cri en béton des forts français sous les (derniers) cris de douleur de ceux qui croyaient s’y abriter. En Lorraine par exemple, le fort de Manonviller fut dévasté le 27 août 1914 par 159 tirs de Grosse Bertha.
Cette grosse pièce d’artillerie utilisée par l’armée allemande lors de la Première Guerre mondiale portait, comme le veut la tradition industrielle, le nom de Bertha Krupp, fille unique et héritière de Friedrich Krupp, producteur d’acier et fondateur de Krupp AG. Je ne peux m’engager formellement sur la corpulence de ladite Bertha mais uniquement sur celle du canon de dix mètres qui balançait des obus de plus de huit cents kilos. Il n’en fallu pas plus pour que des générations entières assimilèrent toute gent féminine d’au-delà de la ligne bleue des Vosges à la Grosse Bertha et sa lourdeur destructrice plutôt qu’à Lorelei et son rocher mythique.
La Grosse Bertha devint la moquerie à la mode de la cour de récré à l’Assemblée et sapa sourdement et plus sûrement que le traité de Versailles les conditions d’une réconciliation. On connaît la suite…
La Grosse Bertha est désormais surannée et nul ne s’en plaindra. Elle a rejoint Enola Gay¹ et Little Boy² sur les étagères poussiéreuse de ce besoin insupportable des hommes de donner un nom affectueux à leurs ignominies. Pour peu, on serait heureux que le régime soviétique ait eu un sens plus martial de l’hommage et nomme comme son inventeur Mikhaïl Timofeïevitch Kalachnikov (Михаил Тимофеевич Калашников) son fusil mitrailleur qui fait encore tant de morts, et non Nelly, Natacha ou Elena, ses trois filles. Les donzelles ont échappé à une triste postérité et avec elles des milliers de minois.
Messieurs les créatifs du complexe militaro-industriel, je vous saurais gré de bien vouloir cesser dans l’instant de nous gâcher les prénoms féminins que l’on aime susurrer plutôt que fuir. Contentez-vous de numérotation, d’acronymes ou de noms de code, c’est déjà bien assez. Les canons je les préfère en chair plutôt qu’en métal.
Bien à vous.
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