[avwar yn alèn de sê kòlôbâ] (loc. verb. St. COL.)
Le plus joli minois qui soit, affublé de tous les atouts d’harmonie que les fées auront pu lui donner (yeux bleus, bouche sensuelle, nez mutin, cheveux blonds, etc.), pourrait bien échouer à séduire sous peine de charrier une haleine de saint Colomban.
Ainsi la langue surannée lorsqu’elle est bien chargée, et pourquoi pas cernée de dents cariées, désigne-t-elle ce souffle que d’aucuns attribuent un peu trop rapidement au chacal.
Avoir une haleine de saint Colomban s’apparente en effet dans l’échelle de mesure du remugle buccal, au degré maximum du nauséabond; quelque chose entre le fromage de Munster oublié sous un soleil d’été et la chambre adolescente en période d’émois.
Qui a une haleine de saint Colomban coupe court au dialogue, fut-il derrière l’hygiaphone, et bien évidemment au baiser.
L’on doit cette expression peu ragoutante à l’œuvre prosélyte d’un moine Irlandais, fondateur des monastères d’Annegray, de Luxeuil, de Fontaine, de Bobbio, qui s’évertua à évangéliser les paysans de Gaule, d’Allemagne, de Suisse et d’Italie au cours du sixième siècle calendaire suivant la naissance de son patron.
Le père Colomban possède une haleine pestilentielle
Colomban de Luxueil qui deviendra donc saint Colomban grâce à ses écrits sur les vertus des moines (pour rappel : la pauvreté, la chasteté, l’obéissance aux règles monastiques, le silence, la frugalité, la récitation des psaumes, la modération, la mortification, la perfection), ne passe pas aux yeux des historiens pour un rabelaisien dans l’âme et nous irons jusqu’à affirmer que l’hygiène bucco-dentaire n’est pas sa préoccupation première.
N’ayant nulle drôlesse à emballer, le sourire Ultra-Brite® n’est évidemment pas son obsession : ainsi est-il plus que probable que le père Colomban possède une haleine pestilentielle.
La légende raconte qu’il brisa un jour de son expiration de pouacre, une cuve de bière que quelques malheureux, vendant leur âme au Diable, s’apprêtaient à déguster ! Il aurait gagné dans cette action d’éclat le droit de passer à la postérité avec avoir une haleine de saint Colomban.
En 1981, cédant à la tentation bien compréhensible de plaire à Renée Simonsen, Danoise et mannequin atomique, un beau gosse mal rasé plonge d’une falaise de vingt cinq mètres et ressort de l’eau avec une fleur entre les dents (entre temps la belle s’est échappée en deltaplane) : Colgate vient de lancer son offensive mondiale et mercantile contre l’haleine de saint Colomban.
Les moyens financiers déployés pour vendre la pâte dentifrice qui aide à ne pas refouler du goulot auront raison d’avoir une haleine de saint Colomban et l’enverront directement au fin fond du suranné.
Cette campagne publicitaire provoquera en outre deux mille trois cent quarante deux plats mémorables recensés lors de tentatives d’imitation du saut de l’ange du bellâtre aux dents blanches, mais ceci est une autre histoire.