[o lé mê, po dlapê] (compt. HOLD-UP)
Ni armes, ni violence et sans haine¹.
Même si les malfrats surannés demeurent des malfrats, un soupçon de lettres a bâti des légendes plus sûres que les modestes et modernes nique les keufs peinturlurés eux aussi par des gangsters rêvant de casse du siècle.
Il nous faut préciser que l’Éducation Nationale prenait particulièrement à cœur de former ses enfants, dussent-ils finir truands. En leur apprenant à lire grâce aux aventures de Daniel et Valérie d’une part et en leur enseignant des comptines susceptibles de leur servir dans le cadre d’un hold-up d’autre part.
Haut les mains, peau d’lapin, haut les pieds, peau d’gibier, la maîtresse en maillot d’bain, qui est le texte exact de la chansonnette fut souvent résumé en haut les mains, peau d’lapin, la maîtresse en maillot d’bain – voire même haut les mains, peau d’lapin – à des fins diligentes, l’expérience et les films hollywoodiens démontrant que les-flics-seront-là-dans-moins-de-trois-minutes-dépêche-toi-Jo et qu’on n’a donc pas tout le loisir nécessaire à l’énoncé total du texte. C’est dommage mais c’est ainsi.
Haut les mains, peau d’lapin s’apprend donc dans la cour de récré sous l’œil bienveillant, d’aucuns diront concupiscent, du directeur d’école qui, effectivement, se plairait bien à voir la jeunette maîtresse récemment arrivée de la ville, en maillot de bain.
Aussi quand il entend ses ouailles innocentes reprendre en chœur haut les mains, peau d’lapin, la maîtresse en maillot d’bain, feint-il un profond intérêt pédagogique à s’enquérir auprès de sa jeune collègue de ses connaissances en formulettes d’élimination. Si la donzelle fraîche émoulue rougit un tant soit peu, il en profitera pour briller avec eeny, meeny, miny, moe, catch a tiger by the toe, if he hollers, let him go, eeny, meeny, miny, moe, histoire de montrer son côté Bogart, mais ceci est une autre histoire.²
Haut les mains, peau d’lapin se répandit ainsi, d’année scolaire en année scolaire, formant à son rythme entêtant des milliers de futurs hors-la-loi dont seule une infime partie, bien heureusement, se décida un jour à passer à l’acte.
Ni armes, ni violence et sans haine
Imaginez tout de même qu’en braquant l’hôtel des postes de Strasbourg, le gros Jeannot, Monmon, Nick le grec, Christo la guigne et leurs comparses du gang des Lyonnais avaient en tête haut les mains, peau d’lapin, la maîtresse en maillot d’bain. Dites-vous aussi qu’Albert Spaggiari hésita un instant à écrire haut les mains, peau d’lapin, et qu’il y renonça au tout dernier moment en fin connaisseur du pouvoir des media qu’il était. Ni armes, ni violence et sans haine ça avait plus de gueule.
Quoi qu’il en soit, haut les mains, peau d’lapin, ça vous remet un pendard à sa place.
Le malfaisant n’étant pas un grand romantique mais juste un sombre reflet de son époque, il abandonna haut les mains, peau d’lapin à l’orée des temps modernes.
On l’entendit parfois hurler du freeze comme dans les films américains, mais la pratique de l’anglais peu développée chez le caissier de banque lui fit rapidement abandonner cette tentative; il s’essaya à du everybody be cool, this is a robbery, qu’il s’imaginait balancer sur un riff de Misirlou, se prenant pour un anti-héros à la Tarantino, mais son accent yaourt fit capoter la chose.
Du milieu à la cour de l’école, haut les mains, peau d’lapin s’est désormais rangée des voitures.
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