[örö kòm ê pap] (in nomine AMEN.)
Ah, le bonheur… Les philosophes les plus brillants ont tant glosé, les savants les plus sachants en ont tant dit sur lui, qu’il peut sembler un instant plutôt présomptueux de nous attaquer ici à la mesure de son intensité. Essayons-nous y tout de même.
L’angle théologique que nous propose heureux comme un pape n’est a priori pas le plus évident pour parler du bonheur, le grand chef de l’église romaine ne passant pas pour un béat de première ce qui est tout de même le b-a-ba de l’accession au nirvana.
Mais « Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu’offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante qui recherche minutieusement les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter et qui rejette les vaines opinions grâce auxquelles le plus grand trouble s’empare des âmes », nous recadre Épicure, référence s’il en est en matière de bonheur (et de plaisir aussi), nous rappelant ainsi qu’il n’est peut-être pas si saugrenu d’être heureux comme un pape. À condition d’être un apôtre de l’ataraxie et de l’aponie et surtout de ne pas confondre bonheur et plaisirs.
Et de quel pape parle-t-on ? De Pierre, le premier d’entre eux¹ ? De Zéphyrin, quasi inconnu du IIIᵉ siècle ? De Jean X, digne représentant de l’obscurum Saeculum qui semble-t-il passa son temps dans un plumard et pas que pour y dormir ? De Pie XII et ses coupables silences ? Ou de Célestin II dont le règne dura vingt quatre heures ? Quel rapport entre ces hommes si ce n’est d’être parvenu au sommet du pouvoir ?
Alors ce serait ça être heureux comme un pape ! Une vulgaire promotion professionnelle là où l’on pensait plutôt toucher au sacré. Quelle ironique cette langue surannée. Faire d’un bonheur païen un sacerdoce, il y a de quoi passer un temps au purgatoire et peut-être même terminer en enfer. C’est d’ailleurs probablement en ce lieu que se morfond heureux comme un pape qui n’est plus en sainteté dans un langage moderne qui renâcle à toute référence religieuse par peur d’y perdre son âme.
La béatitude doit être laïque si elle entend survivre. Heureux comme un président de conseil d’administration a fait long feu, heureux comme un trader s’est écroulée avec la crise, heureux comme Dieu en France ne s’est pas imposée car jugée trop déiste, et puis heureux qui comme Ulysse est demeurée gravée sur un 45T, chantée par Georges Brassens. Heureusement qu’il nous reste la musique.
🎼🎶Battus de soleil et de vent
Perdus au milieu des étangs
On vivra bien contents
Mon cheval, ma Camargue et moi
Mon cheval, ma Camargue et moi🎶🎶