[òmôkyl] (n. com. MONSTR.)
Mâtine que voilà, cette langue qui se joue de ses sons. Même bardée d’une étymologie latine au-dessus de tout soupçon (homunculus, diminutif de homo, l’homme), elle aura bien du mal à essayer de nous faire avaler qu’elle n’a pas créé quelques mots juste pour de petits plaisirs homophones. Avec eux, grand succès garanti au déjeuner dominical beau-familial.
Pourtant avec homoncule il est simplement question de frôler le Grand Œuvre, cette pierre philosophale capable de changer les métaux vils en or, cet opus magnum poursuivit par Paracelse et ses disciples depuis la nuit des temps.
Rien d’autre.
Pas le moindre sous-entendu graveleux¹ comme celui qui vient précisément d’effleurer une zone trop sensible de votre esprit. Homoncule est une recherche alchimique un peu particulière mais rien qu’une expérience de plus.
Un homoncule est ce petit être humain que rêve de créer le bidouilleur des alambics, le chercheur en élixirs, l’inspirateur obscur de Mary Shelley et de son Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818). Une sorte de lutin, tout juste bon à terminer ses jours à l’Institut ou au muséum d’histoire naturelle, formolisé dans un tube à essai, appuyant son crâne difforme sur la paroi de verre comme s’il espérait attirer notre sympathie quand il ne fait que nous épouvanter.
Autant prononcer homoncule pourra faire sourire, autant le croiser nageant dans son formaldéhyde fera frémir. Des milliers d’écoliers devenus surannés peuvent encore en témoigner.
Nous ne saurions préciser si homoncule doit sa mise au rancart suranné à l’action efficace de précieuses ridicules ayant auparavant fait la peau à concupiscent, ou au souvenir terrible de son regard perdu. Quoi qu’il en soit homoncule est devenu désuet, même si de modernes Flamel caressent encore le rêve d’un cycliste capable de monter le Tourmalet plus vite qu’une Mobylette, ou plus généralement d’un homme tendre et fort à la fois, beau et intelligent, aimant sans être possessif, pas macho mais galant, attentionné et libre, viril et sensible (mais ceci est une autre histoire).
S’il a bien disparu du langage, il n’est pas certain que le rêve fou d’homoncule recule¹.