Îlot de police [ilo de pòlis]

Fig. A. Paris.

[ilo de pòlis] (gr. n. MARÉCH.)

La présence de la maréchaussée gardant stoïquement la paix en place de la Concorde ou à quelqu’autre carrefour fréquenté, est une donnée incontournable du paysage urbain des années surannées. La tâche affectée au représentant de l’ordre républicain consiste alors à faire respecter, autant que faire se peut, le code de la route.

Il possède pour cela, outre son uniforme et son képi, un bâton blanc à agiter et un abri caractéristique : l’îlot de police. Sorte de tuyau de fer d’un diamètre approximativement d’un mètre et d’une hauteur de l’ordre des cent vingt centimètres, l’îlot de police accueille et protège le fonctionnaire régulateur du trafic automobile.

Monté sur un piédestal qui donne toute la majesté nécessaire à l’auguste geste du gardien de la paix autorisant le tourne-à-droite ou intimant l’arrêt, l’îlot de police est souvent surmonté d’un parapluie ferreux permettant à son occupant de ne pas se dissoudre sous la pluie de novembre.

Si l’enfant facétieux à l’imagination galopante y voit parfois une fusée prête à décoller (comme dans Tintin, dit-il), son père au volant de la R21 ou de la Simca 1000 n’y accorde qu’une attention polie, préférant prêter l’œil à un taxi à qui la route appartient, un provincial qui cherche la Tour Eiffel, ou un admirateur de Fangio.

Seul au monde sur son îlot de police, tel un Robinson urbain attendant le vendredi pour enfin rentrer chez lui, l’agent peut siffler et brandir son bâton : il ne solutionnera aucun embouteillage. L’automobiliste n’a que faire de son agitation et la marée à quatre roues bientôt le submergera.

Une modernité promouvant avant tout la contrainte structurelle descellera l’îlot de police de son socle et l’enverra rouiller en surannéité. Pour contraindre le flot elle réduira la voie, fera payer l’arrêt plus cher que le trajet, imaginera se servir du vélo comme d’un dernier rempart.

Mieux encore, ce sont des caméras qui veillent désormais au respect scrupuleux du code de la route. À l’abri de la pluie et du bruit, un logiciel intelligent facture en temps réel le contrevenant (devenant ainsi une sorte de client, mais ceci est une autre histoire), faisant regretter l’îlot de police et son naufragé bienveillant.