[Zavanè] (n. com. LANG.)
J’aime bien les djeuns’.Ils puent des pieds mais je les aime quand même. Comme les autres jeunes (dont je fus) entrés dans la carrière quand leurs aînés n’y ont plus été et y ayant trouvé leur poussière et la trace de leurs vertus, les djeuns’ sont persuadés d’avoir tout inventé.
Ils sont mignons.
C’est louable, c’est sympathique, c’est amusant.
Quand il dessine sur les murs de la ville le djeuns’ ne sait pas que ça se fait depuis Lascaux (-17 000 ans avant maintenant) tout occupé qu’il est à éviter les keufs.
Quand il danse sur Alexandrie Alexandra ou fredonne les Magnolias¹ le djeuns’ ne sait pas, préoccupé qu’il est à l’idée de pécho la blonde qui se trémousse, qu’il a été conçu grâce à la synchronisation corporelle établie par ses géniteurs à l’écoute des mêmes notes.
Trop relou mon reup
Quand il parle en inversant les syllabes pour se rendre incompréhensible par son reup trop relou le djeuns’ ne sait pas que l’ancêtre a causé bien avant lui le Javanais et qu’il entrave toute la jactance que ce drôle croit lui cacher sous son modeste verlan.
Eh oui mon ami né en ce millénaire, bien avant ton mélange sans saveur j’ai causé Javanais.
Le Javanais est apparu en France durant la deuxième moitié du XIXe siècle, ce qui en fait un objet suranné à coup sûr. Ce procédé de codage argotique utilisait comme disent les savants « une phonologie parasitaire constituée par l’insertion bien calculée d’une syllabe indue entre voyelles et consonnes antérieurement validées par le Robert et ses confrères ».
En Javanais cette syllabe est un -ja (rarement) ou un -av (plus fréquent) qui vient donc s’immiscer là où on ne l’attend pas. Trois règles de grammaire le conditionnent : -av est ajouté après chaque consonne (ou groupe de consonnes comme ch, cl, ph, tr…) d’un mot. Si le mot commence par une voyelle, -av est ajouté devant cette voyelle. -Av n’est jamais rajouté après la consonne finale d’un mot. Vous suivez ? C’est plus simple que l’accord du participe passé tout de même.
Penchons-nous un instant sur l’origine géographique de cette langue qui est celle des voyous quand elle est inventée.
Java !
Java, grande parmi les îles de la Sonde, lointaine et exotique la plus peuplée du monde. Java pays rêvé des marins découvreurs, terre ayant abrité les derniers mangeurs d’hommes, lande des coupeurs de tête par ceux à qui la vôtre ne revenait pas, paradis des grands singes avant que la folie humaine raboteuse des forêts ne vienne tout foutre en l’air. Java, patrie du Javanais importé sous nos cieux par quelque aventurier en même temps qu’une fièvre inconnue dont il ne se remettra pas.
Java que tu as bien essayé de récupérer à ton moderne profit toi l’ami informaticien, en en faisant un langage de programmation orienté objet, avec tes mots réservés comme abstract, else, instanceof, static, try, boolean, false. Mais Java sauvage et rebelle comme le royaume de Surakarta que tu ne domineras jamais, Java et ses volcans qui t’exploseront à la face si tu continues à nous embrouiller le logiciel avec ton C++ revisité qui me demande une mise à jour toutes les semaines.
Prince des Titis et des grisettes, c’est Raymond Queneau qui nous précéda dans l’encyclopédisme avec son Encyclopédie des sciences inexactes, avec qui nous conclurons en Javanais : « Deveux heuveureuves pluvus tavard jeveu leveu reveuvivis deveuvanvant lava gavare Sainvingt-Lavazavareveu ». T’as pigé minette ?
Ça veut dire que j’attends.