[Zòkari] (n. basq. HAN.)
Louis Joseph Miremont mérite une statue de marbre dans le temple du suranné. Nous lui devons tant.
C’est plus précisément à l’ennui de Louis que nous devons l’un des loisirs les plus prisés lors de ces longs mois d’été que les années d’alors – c’est-à-dire d’avant aujourd’hui – nous proposent de passer à la campagne, en Provence, sur la dune du Pyla ou sur l’île d’Oléron.
Louis Joseph Miremont est Basque et comme de bien entendu Louis aime la pelote. Mais lorsque le fronton place libre ne l’est pas, libre, Louis s’ennuie, comme tout Basque face à un frontis interdit. Alors Louis imagine l’Eskual Jokari qu’il fait même breveter¹ en 1939 sous l’appellation Jokari. Louis est un génie.
Avec son Jokari, Louis joue seul ou avec ses amis, à taper grâce à des raquettes de bois dans une balle de caoutchouc attachée à un socle par un long élastique. La balle revient ainsi vers lui comme si elle avait frappé les neuf mètres trente de large réglementaires du mur de face. Et de rebond tressautant en tressaut rebondissant, en cet été 39, sur la plage des Corsaires ou celle de la Petite Chambre d’Amour, à Bayonne, on joue au Jokari en attendant la drôle de guerre.
Certes les années sombres qui suivront et l’érection de bunkers agressifs sur les plages préalablement truffées de mines porteront un coup à l’enthousiasme généré par le Jokari, ça se comprend, mais le Basque bondissant par nature saura reprendre le cours du jeu après la fin des hostilités.
Fabriqué par les Manufactures Réunies de Bayonne, le Jokari va alors permettre à des milliers de rodomonts de pacotille de se ridiculiser en public en loupant cette balle tellement facile², à des maladroits de se coller seuls un splendide coquard dont on peinera à croire qu’il est le résultat d’un jeu, et à des petits malins de briller sur la plage devant ces corps bronzés alignés qui les fixent derrière leurs lunettes noires (mais ceci est une autre histoire).
Le tourisme moderne et son caractère envahissant du moindre mètre carré de sable chaud réduira drastiquement la place dévolue au Jokari. En se couvrant d’une marmaille criarde et de serviettes aux couleurs d’acabit similaire étalées par les soins de m’as-tu-vu de bain de mer et autres hâbleurs hâlés de littoral, les plages de Navarre et de toute la France bannissent le Jokari qui devient suranné.
Le plagiste veut désormais du wifi.
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