[la kart òrâZ] (n. com. RATP.)
Un chat est un chat et sera dénommé comme tel.
Les années surannées, peu sensibilisées à la mercatique et à ses chemins modernes d’expérience client et de notoriété top of mind, appelaient les choses par leur nom, dédaignant toute la valeur ajoutée de la créativité nominale.
Qu’une carte prenne le nom de carte était donc logique. Que sa couleur orange appliquée sur la totalité de sa surface devienne adjectif qualificatif l’accompagnant en permanence ne surprenait pas plus. La carte orange était ainsi un élément d’une limpidité cristalline.
Dotée de deux zones vierges à remplir soi-même au stylographe à bille (l’une pour son nom et prénom, l’autre – solennellement encadrée – pour sa signature), la carte orange permet à l’usager-des-transports-en-commun-de-Paris-et-région-parisienne de 1975 de voyager en première ou seconde classe sur un réseau comprenant bus, métropolitains et trains de banlieue (dénommés petits gris, la couleur semblant donc être un élément majeur du fameux métro-boulot-dodo).
Afin de ne pas se comporter en contrevenant patenté, ledit usager doit veiller à reporter sur son coupon¹ (à acheter chaque mois pour la modique somme de 40 Francs auprès d’un sympathique guichetier après avoir fait la queue pendant une heure) la lettre et le numéro à six chiffres imprimés sur sa carte orange. Il doit aussi prêter attention à ne pas fumer, cracher, parler au conducteur, descendre en marche, mais ceci est une autre histoire.
Sur sa carte orange, l’usager de la ligne 1, tout comme celui du bus 28 d’ailleurs, a collé une photographie d’identité (sur laquelle il a encore le droit de sourire²) que la Régie Autonome des Transports Parisiens ou la Société Nationale des Chemins de Fer ont officialisée par apposition de leur tampon encreur souverain, celui-ci venant éventuellement éborgner son œil droit ou a minima souiller sa belle chemise blanche. C’est cette fameuse « photo de carte orange » qui fera l’objet de comparaisons plus ou moins flatteuses avec la réalité lors des fameux concours de « quelle tête t’avais en 1975 » très courus à l’époque.
L’ère moderne s’ouvre en 2005 quand la carte orange à la couleur jugée trop désuète laisse sa place dans les poches à un morceau de plastique bardé d’électronique et marqué d’un anglicisme francisé (le « passe ») mâtiné de latin (navigo) qui le posent comme résolument de son temps.
Et puis la photo est petite (on ne peut plus voir « quelle tête t’avais en 1975 » ce qui permet d’être de son temps même si on est un vieux con suranné).