[laɡard é miSar] (n. prop. SCOL.)
Laurel et Hardi, Roux et Combaluzier, Procter&Gamble, Stone et Charden, Boule et Bill, Bonnie and Clyde, Maritie et Gilbert Carpentier, Castor et Pollux. Il est des couples mythiques qui peuplent ainsi à notre insu les coins de la mémoire et de notre histoire collective. Parmi ces duos qu’une simple conjonction de coordination suffit à rendre célèbre (eh oui, tout est dans la conjonction et dans le rythme des noms qui l’entourent), il en est un qui tient une place à part. Parce que des générations surannées entières lui doivent à la fois leur culture et les plus angoissantes heures de cours jamais vécues : ouvrez votre Lagarde et Michard page 79, nous allons faire un petit contrôle.
Avant de devenir Lagarde et Michard, André Lagarde et Laurent Michard étaient deux professeurs de lettres supérieures, l’un au lycée Louis-le-Grand, l’autre à Henri IV. Nés pour l’un juste avant et pour l’autre pendant la Grande Guerre, première (qu’on pensera la dernière) machine à broyer de l’humain par millions, André et Laurent sont de brillants élèves qui font leurs humanités sans se croiser puisque l’un vit sur les bords de la Garonne quand l’autre est du Forez.
On ne dit pas encore Lagarde et Michard quand nait leur amitié du côté de Toulouse où ils exercent leur professorat selon les préceptes pédagogiques qu’ils vont mettre en œuvre quelques années plus tard dans leur anthologie en six volumes. Car André Lagarde et Laurent Michard sont bien des précurseurs, des visionnaires : ils décident que l’étude du texte doit être le centre de leur enseignement et qu’elle mêlera histoire littéraire et anthologie. Des textes d’auteurs s’enchaînent, illustrés en images et en photographies, avec de la couleur ! Une pédagogie servie par une mise en page à la rigueur académique qui fera la réputation des Lagarde et Michard auprès des élèves et de leurs professeurs.
Dès 1948 paraît le Moyen-Âge, suivi du XVIᵉ siècle, XVIIᵉ siècle, XVIIIᵉ siècle, XIXᵉ siècle et XXᵉ siècle en 1962. Sur ce dernier les deux compères se sont tout de même un peu emballés car il restait quarante années pour boucler le millénaire mais nous pouvons concevoir que l’heure de la retraite approchant à grand pas ils n’entendaient pas laisser champ libre aux nouveaux pédagogues promoteurs de l’épanouissement avant tout qui leurs jetteront les pavés du boulevard Saint-Michel sur le groin.
Laurent Michard est mort en 1984, André Lagarde son vieil ami l’a rejoint en 2001. Il était temps, ils étaient devenus démesurément surannés avec leur typographie soignée, leurs couleurs sans fluo, leur grammaire châtiée et l’orthographe non réformée.