[lésé le Sa alé o fròmaZ] (loc. coqu. MIAOU.)
Felis silvestris catus tout mammifère carnivore qu’il est n’en demeure pas moins grand amateur de spécialités laitières.
De sa langue râpeuse le minou aime user pour laper le lolo, ou mieux, pour se fourrer dans le goulot un brillat-savarin chapardé ou même un claquosse moulé à la louche qui traînait sur la table.
C’est de cette attirance pour la production de « produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou partie, l’un quelconque des constituants du lait »¹, que procède laisser le chat aller au fromage en tant qu’expression distinguant la jeune femme ayant vu le loup avant de convoler.
Laisser le chat aller au fromage raconte la tendance à l’appétit sensible
L’image est tortueuse mais la gourmandise qu’elle trimbale est l’argument majeur pour en justifier l’existence (sauf à penser qu’une volonté malicieuse et coquine la créa pour le plaisir d’un double sens félin à propos du minou, mais ceci serait alors une autre histoire).
Laisser le chat aller au fromage raconte la tendance à l’appétit sensible, le dérèglement des sens et la concupiscence charnelle qui guettent autant la grisette nouvelle que le matou émérite. L’une comme l’autre sont irrémédiablement attirés par la promesse du plaisir même si celui-ci est sévèrement réprouvé par les bonnes mœurs ou la cantinière de service. Dans les bonnes maisons on ne laisse pas le chat aller au fromage.
Qui a donc laissé le chat aller au fromage a perdu sa vertu en cours d’affinage, période de maturation dont la durée est longue lorsque se fabrique l’expression² mais qui se réduira au cours des siècles qui suivront.
C’est d’ailleurs un assouplissement dans la doctrine pesante qui ne veut que pucelle à l’autel, qui fera de laisser le chat aller au fromage une métaphore désuète.
Largement encouragées par un été 1967 – ou Summer of Love – si hot que la conservation du moindre camembert en devient impossible, les donzelles laissent les minous à l’air libre et personne n’y trouve rien à redire.
Le chat peut désormais se goinfrer de Bouton de culotte (fromage fermier de lait cru de chèvre), de Bite d’âne, fromage du Loir-et-Cher, et même de Boule des moines fabriqué depuis 1920 par les moines de l’abbaye bénédictine de Sainte-Marie-de-la-Pierre-qui-Vire comme chacun sait.
Dans un pays qui compte plus de fromages que de jours de l’année, bamboche et ripaille façonnent peu à peu un nouvel art de vivre pour les humains et les félins. Tout ça valait bien l’abandon d’une expression.