[lalmana vɛʁmo] (marq. dep. CULT.)
Le dernier que j’ai pu consulter trônait sur la table de nuit de mon arrière-grand-mère¹, sa couverture rouge scintillant tel le phare d’une culture du quotidien emplie de bon sens populaire.Quand je montais lui dire bonsoir j’avais le double privilège d’un petit bonbon à l’anis de Flavigny et de la lecture de la page du lendemain. Toi qui es suranné tu l’auras reconnu cet Almanach Vermot. C’est donc ainsi que je construisis mon fonds de commerce en calembours et pensées de Sacha Guitry qui me vaut encore l’admiration ricardisée de l’autochtone au zinc du Balto lorsque je me dois de visiter en été quelque vieil oncle provençal amateur de pétanque sur la place du village. En quelque sorte l’Almanach Vermot m’a fait. Et me permet de briller. Enfin… pas toujours.
J’ai en effet pu noter une très nette diminution de l’intérêt pour la pensée qu’il professait auprès des générations surdiplômées élevées à coups de sentences prétentieuses très éloignées des préoccupations de nos campagnes. Plus avant même, je suis en mesure de vous révéler ici que la donzelle est peu portée sur la philosophie de l’Almanach Vermot. N’espérez pas ébahir avec :
Mes compliments, mon cher, on me dit que tu te maries dans huit jours. – – Non, dans deux mois, j’ai obtenu un sursis.
et oubliez toute velléité d’échange de fluide corporel si vous vous esclaffez sur :
Un paysan ramasse des champignons dans un bois. Le vétérinaire du pays s’approche et reconnaît qu’ils sont vénéneux. – Malheureux ! Vous allez vous empoisonner ! – – Ne craignez rien Monsieur, c’est pas pour les manger, c’est pour les vendre.
« L’Almanach m’a tuer » pourrais-je écrire en lettres de sang sur la porte de ma prison.
J’ai donc entrepris une très sévère cure de désintox puis de remise à niveau. Je vous préviens, le programme est ardu : autodafé de l’Almanach Vermot pour débuter, fin de l’utilisation des services de taxi pour éviter tout contact avec les Grosses Têtes, interdiction formelle de consommer des papillotes. Tout juste ai-je droit de temps à autre à quelques pages de San Antonio. Mais je m’en sors. Il m’arrive désormais d’admettre qu’une femme peut réaliser un créneau en moins de cinq tentatives et j’ai tout oublié du proverbe sur la lune et la rhubarbe. Il n’y a que mon arrière-grand-mère et les bonbons de Flavigny qui continuent à me manquer. Et pour me souvenir de la date du jour j’ai un iPhone.