[lâtèn rato] (n. fém. TV)
Trois mille sept cent quatre vingt quatorze (3794). C’est le nombre exact de postes de télévisions recensés en France en 1950. À cette époque ladite télévision diffuse des pièces de théâtre en direct de la Comédie Française c’est dire si elle est surannée.
Sous la présidence de René Coty, en 1954, le taux d’équipement en lucarnes noir et blanc explose à 1% des ménages constitués par les quarante trois millions d’habitants et les toits des maisons et immeubles se couvrent alors d’antennes râteaux.
Extension extérieure caractéristique de la présence d’une télévision, l’antenne râteau est tout à la fois une nécessité technique à la bonne captation des programmes et un signe ostentatoire de possession du poste comme on le dénomme alors. La présence de l’antenne râteau jouxtant le conduit de cheminée autorise l’heureux propriétaire à user de la formule « Comme ils le disent dans le poste », rabattant ainsi le caquet à quiconque espérait raisonner avec sa seule et médiocre expérience des choses de la vie.
L’antenne râteau est constitutive d’un lien direct avec le savoir, l’autorité, et plus elle est garnie de branches et de dents de ferraille, plus elle permettra de s’approcher des signaux hertziens VHF de 30 à 300 MégaHertz et des UHF de 300 à 3000 MégaHertz, fréquences de la bonne parole.
La pose et le juste réglage de l’antenne râteau donnent généralement lieu à des dialogues savoureux. En ces temps surannés le contrôle est le rôle du chef de famille qui trônera au salon (pièce de prédilection de la télévision) et guidera par la voix une assistance généralement féminine soumise à l’orientation méticuleuse de l’antenne râteau dans la bonne direction. On entendra ainsi « Ne bouge plus, là c’est bon ! » ou encore « Stop ! Stop ! On capte la une ! ». L’opération délicate générera plus d’une brouille familiale notamment lorsqu’elle se déroulera durant la retransmission d’un match de football, la moindre approximation pouvant faire manquer un dribble de Larqué ou une chevauchée fantastique de Dominique Rocheteau.
L’antenne râteau se verra remisée en surannéité lorsque son alter ego plus technique, dite parabolique, viendra la faire descendre du toit. Ses courbes plastiques séduisantes auront raison de l’arrogante dentition ferrée et de ses branches christiques qui haranguaient les cieux. Elle ne régnera pas longtemps, poussée en bas à son tour par des câbles enfouis délivrant des signaux numériques.
Le moderne n’a désormais que faire de marquer qu’il possède un écran : 99% des ménages en sont bien heureusement pourvus. Ils n’ont plus à se chercher querelle pour la une ou la deux, le signal est très clair et tout est bien réglé.
Ils sont sûrs que ce soir ils pourront regarder la télé. C’est l’essentiel.