[le lapê dy métro] (pers. célèb. RATP)
“Attention ! Ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort”¹.Que tu sois un poulbot de la butte ou de la Porte d’Orléans tu as lu ces deux phrases des milliers de fois. Mieux encore, ce sont les premiers mots que tu as déchiffrés avec une immense fierté (à voix haute, faisant au passage se bidonner des dizaines de voyageurs engoncés dans leurs sombres pensées métro-boulot-dodo). Et si tes souvenirs de Paname sont ceux d’une visite que tu effectuas avec ta classe de CM2 de l’école des garçons de Saint-Affrique, tu l’as aussi gravée dans ta mémoire.
« Attention ! Ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort » c’est ce que nous disait le lapin du métro qui nous mettait en garde contre les dangers de la porte à ouverture latérale pensée par de sadiques ingénieurs de Brissonneau et Lotz (futur Alstom) que Torquemada aurait apprécié compter dans son équipe en charge de la question.
Le lapin du métro, que d’aucuns prénomment Serge parce qu’il fut créé en 1977 par l’illustrateur Serge Maury, portait à cette époque une salopette rouge et un pull jaune à motifs noirs. Ayant moi aussi vécu les années 70 habillé par ma mère je peux témoigner sur la souffrance qui dû être la sienne². Il changera de tenue au cours des années qui suivront et la pression bien-pensante qui lit le Mal dans le moindre signe comme les voyantes de foire lisent l’avenir dans les mains sales lui fera rentrer sa queue dans le pantalon en 1986.
Personne en revanche ne semble s’être interrogé sur le fait que le lapin du métro ne possède que trois doigts, ce qui laisserait supposer (si l’on considère son caractère anthropomorphique nécessaire à la prescription) qu’il a déjà perdu l’annulaire et l’auriculaire lors de précédents voyages et que son message n’est alors que de peu d’efficacité.
La RATP (qui est une maison surannée se débattant dans un monde moderne mais ceci est une autre histoire) continue de coller le lapin du métro sur les vitres à hauteur de petit homme. Las, son symbole devenu patrimoine intouchable (on attend qu’un ministre de la culture en mal de reconnaissance nous classe le lapin du métro monument historique) ne fait plus vraiment recette auprès des chasseurs de Pokémons. Son compte Twitter est suivi par une horde de vieux cons surannés (dont je suis) pour qui désormais le seul pincement est celui qu’elle a au cœur quand elle s’assoit sur le strapontin le plus proche de la porte et qu’elle lit à nouveau le message de Serge.
Avec son casque sur les oreilles et ses SMS qui défilent, le poulbot n’a désormais plus l’œil à poser sur le lapin du métro quand il est dans une rame. Tant pis pour lui s’il se fait pincer très fort.