[larme de sêtlorâ le ɡrijé] (n. com. ÉTOIL.)
Le 10 août 258, le préfet de Rome qui versait très peu dans l’humour corrigea l’impertinence d’un diacre, Laurent, en le faisant griller sur des charbons ardents. Personnage subtil qui aurait subi son martyre en se gaussant du puissant, Laurent poussa même la rigolade jusqu’à devenir le saint patron des cuisinier et rôtisseurs. « C’est bien grillé de ce côté, tu peux retourner » aurait-il dit au bourreau.
Aux alentours du 10 août, la nuit tombée et le calme revenu, il faudra vous allonger dehors, peut être couvert d’une légère couverture, et surtout faire silence en écoutant grand-père vous raconter l’histoire des larmes de Saint-Laurent le grillé. Elle n’est pas si terrible puisque le Laurent en question trouve le moyen de se marrer de son supplice (en vrai elle me fait tout de même un peu peur cette histoire car je me suis déjà brûlé sur la grille du barbecue et je sais que ça fait un mal de chien), alors j’écoute sagement.
Et puis il va se passer ce que j’attends. Les larmes de Saint-Laurent le grillé vont apparaître dans le ciel. Fugaces et pourtant bien présentes, lumineuses, éphémères. Grand-père me dit de faire un vœu à chaque fois que j’en vois une. Ici ! Et là ! Une autre ! Le spectacle est total.
Ces étoiles filantes que les savant appellent les Perséides se consument dans l’atmosphère terrestre à plus de deux cent mille kilomètres par heure. Les Perséides c’est joli, mais dans les temps surannés on dit encore les larmes de Saint-Laurent le grillé, même quand on ne met jamais les pieds à l’église parce que c’est tout de même nettement plus amusant de s’envoyer un Perniflard le dimanche à l’heure de la messe.
Et paf une autre ! J’en suis au moins à quatre vœux.
Jusqu’à ce que je cède à la fatigue, je vais compter les larmes de Saint-Laurent le grillé. Je peux m’endormir tranquillement sous les poussières d’étoiles, je sais que grand-père me mettra dans mon lit.
La ville moderne ne s’éteint plus la nuit. On dirait qu’elle a peur. Des étoiles peut-être, des chats qui sont tous gris pourquoi pas, des démons ça c’est sûr. Avec ses lumières qui lui donnent son surnom elle est belle. Mais elle ne peut plus voir les larmes de Saint-Laurent le grillé. Elle a même oublié leur nom qu’elle a rangé au suranné.
Alors en août je m’en vais, je la quitte pour aller m’allonger quelque part et compter les étoiles. Et à mon tour raconter à qui voudra l’entendre l’histoire des larmes Saint-Laurent le grillé. Si les étoiles sont toujours là, je ne suis pas certain que Saint-Laurent existe vraiment : il n’a pas exaucé tous mes vœux.