[le disk è réjé] (exp. mémo. TOP50)
Longtemps avant que les travaux d’Alois Alzheimer ne fassent passer son nom à la postérité en le donnant à la perte de capacités des anciens¹, le radotage de grand-maman qui perdait un peu la boule en ressassant à l’envi ses aventures du bon vieux temps faisait facilement l’objet d’une remarque discographique : le disque est rayé.
Le disque est rayé s’appuie sur l’expérience de tout auditeur du hit parade et acheteur de ses meilleurs classements sous forme de 45T qui les aura qui trop manipulés qui prêtés à de peu précautionneux camarades pressés de découvrir les chaudes vocalises du King ou les bend et legato de Carlos Santana.
It’s now or never,
Come hold me tight
Kiss me my darling,
Be mine tonight
Ces maladroits empressements adolescents auront en effet contribué à rayer les galettes de vinyle de telle manière à ce que le saphir du tourne-disque familial (ou de la chaîne Hi-Fi pour les plus fortunés) sursaute et hoquète ridiculement sur un it’s now or never, it’s now or never, it’s now or never, it’s now or never, it’s now or never d’Elvis ou sur quatre temps de salsa à la sauce Santana (cf. fig. A).
De là à comparer les répétitions mémorielles de mémé avec les soubresauts des lamentations amoureuses de la variété internationale il n’y avait qu’un (grand) pas que l’imagination d’alors, peu effrayée par les allégories, n’hésitait pas à sauter.
Et, succès du Top 50 oblige, l’expression trouvait d’autant plus rapidement son public que toute yoyotant de la touffe qu’elle soit, mamie vivait en liberté au milieu des plus jeunes à qui elle racontait donc pour la millième fois l’arrivée des GIs et du Coca-Cola. C’est bien dix fois par jour qu’on pouvait user de ce disque rayé.
Les pits² du nouveau Compact Disc n’annihilant pas totalement le risque de perturbation de la chanson pour cause de rayures intempestives, il fallut attendre l’avènement des indestructibles bits de la musique moderne diffusée par ordinateur pour que le disque est rayé disparaisse du langage quotidien.
Sans risque de saccade des jérémiades de bardes au talent contestable (mais ceci est une autre histoire) désormais disponibles au téléchargement pour un montant d’après virgule, plus de disque est rayé à utiliser.
Sans aïeule désormais enfermée en institut spécialisé pour un montant à quatre chiffres avant la virgule, plus de disque est rayé à utiliser non plus.
En surannéité les vieux, les souvenirs vaporeux et les chansons mielleuses ! Et qu’on n’ait pas à le répéter.