[le peti Zézy â kylòt de velur] (loc. vitic. ALLELU.)
Caractérisant a priori l’enseignement scolaire et universitaire de la philosophie, le port d’un pantalon de velours s’est aussi glissé dans le langage suranné pour souligner la souplesse d’un Bourgogne, la charpente d’un Bordeaux ou la finesse d’un Champagne.
Et comme la texture côtelée du textile ne semblait pas suffire à décrire l’excellence, c’est dans l’imagerie biblique qu’il est allé puiser pour invoquer le petit Jésus en culotte de velours tout en se pâmant de plaisir.
L’expression est d’autant plus complexe qu’il est certain que Jésus de Nazareth, dit « le petit », n’a jamais porté de culotte de velours puisque l’étoffe en question a été inventée au Moyen-Âge quelque part au Cachemire; et que c’est au XIVᵉ siècle que le velours commence à habiller les riches et les puissants, soit un bail après que le petit Jésus est devenu grand (voire le plus grand pour ses adorateurs, mais ceci est une autre histoire).
Sans doute une crise dévote a-t-elle piqué les œnologues à qui l’on doit de toute évidence le petit Jésus en culotte de velours, ceux-ci souhaitant rendre un hommage appuyé à un homme qui n’avait pas besoin de raisins et d’un long processus de macération pour fabriquer du vin, et qui de fait apparaissait comme le plus doué d’entre tous¹.
1971 année de millésime du millénaire pour le Romanée-Conti
La préoccupation de la qualité des productions viticoles demeurant prioritaire sur les terres de la fille aînée de l’Église, le petit Jésus en culotte de velours gagna en influence année après année, Grand Cru après Grand Cru, jusqu’à rassembler en une phrase les logorrhées éthyliques des amateurs du Balto sur un assemblage Cabernet Franc Cabernet Sauvignon ou les envolées lyriques des bonimenteurs vendeurs de Beaujolais nouveau trouvant à leur piquette des relents de framboise (ou de banane).
1971, année de millésime du millénaire pour le Romanée-Conti, serait selon certains spécialistes l’année phare d’utilisation du petit Jésus en culotte de velours. Le sujet fait tout de même polémique.
En passant de cent litres de consommation par habitant et par an au cœur des années surannées (1975) à moins de quarante deux litres en plein modernité (2016), le vin s’avéra être une boisson surannée.
Cette désaffection des consommateurs pour le patrimoine vinicole entraîna évidemment un mouvement similaire pour la langue qui y était attachée et donc pour le petit Jésus en culotte de velours.
Pire encore, un verbiage moderne inventé sans nul doute par des buveurs de tisane s’attache désormais à décrire ce que le petit Jésus en culotte de velours faisait si bien tout seul.
Il faudrait un miracle pour que l’expression revienne dans la langue d’aujourd’hui. C’est donc sans espoir.