[léSé de la ɡrozèj de zwav] (loc. milit. ALCOO.)
Cela pourrait passer pour une forme de concupiscence de la chair attisée par l’uniforme de l’infanterie légère de l’Armée d’Afrique (car l’on sait tout le pouvoir sur les sens que portent le galon et l’épaulette).
Et le croire reviendrait à tomber dans ce piège maintes fois renouvelé par la langue surannée : laisser penser à mal pour mieux honnir celui qui tel agit.
Pourtant lécher de la groseille de zouave n’a rien d’un comportement licencieux même s’il est finalement sulfureux puisqu’il consiste en boire de l’absinthe.
La dame verte trouve en effet un synonyme d’autant plus étonnant en la groseille de zouave que rien ne ramène à la couleur du fruit ou à celle du pantalon du fantassin, ni même à la tribu kabyle des Zwāwa.
Certains affirment – mais un peu vite – que lécher de la groseille de zouave ayant pour conséquence d’avoir la crête rouge, autrement dit d’être blindé jusqu’à la quinzième capucine, l’utilisation fructi-guerrière est évidente et légitime. C’est là une thèse qui omet de signaler que lorsque l’on est ivre on a aussi la gueule en chocolat ou l’on est bourré comme une œuf à deux jaunes, soit d’une toute autre couleur que ce rouge groseille.
Lécher de la groseille de zouave est un mystère
L’origine de lécher de la groseille de zouave est un épais mystère de guerre et la grande muette n’entend pas cracher le morceau, jalouse qu’elle est de son bréviaire qui figure parmi les plus fournis de la langue surannée. Il faudrait avoir combattu à Ypres ou en Artois avec le 4e Régiment mixte de Zouaves et de Tirailleurs pour savoir, s’être distingué à la bataille du Soissonnais et de l’Ourcq pour gloser, avoir partagé le rata de la troupe pour accéder au secret de cette groseille de zouave.
Il sera aussi imprudemment avancé que la Seine lèche de la groseille de zouave en cas de crue et que l’attitude docte de celui du pont de l’Alma ne serait pas étrangère à l’expression : supputations grossières et débauchées que nous ne saurions valider en cette noble encyclopédie du savoir et des mots.
Les déboires de l’absinthe avec les autorités et la médecine (le breuvage étant accusé de rendre fou ses biberonneurs) auront pour malheureuse conséquence de très vite rendre lécher de la groseille de zouave totalement désuète.
Peu de temps après son interdiction, en 1915, l’expression la suivra dans l’oubli, entraînant à son tour les zouaves tombés au champ d’honneur et leur devise « Avec le sourire »¹. Mais ceci est une autre histoire.
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