[léSé lurs] (prop. disc. URS.)
Une attentive observation des mœurs du plantigrade vivant dans la grotte d’à-côté au paléolithique moyen avait permis aux scientifiques d’alors de déterminer que l’ourson n’était pas vraiment terminé à sa naissance et que sa mère devait le lécher longuement pour parfaire la gestation.
Du moins le pensaient-ils.
La thèse savante avait alors donné naissance des siècles plus tard à être un ours mal léché, dénotant le caractère bougon d’un quidam que sa maman avait dû délaisser, et à lécher l’ours qualifiant l’art – ou le défaut – de faire traîner en longueur tout acte pouvant être abrégé (discours débutant par « Mes chers amis je serai bref », anecdote contée par une belle-mère, soirée diapos, définition de dictionnaire).
Malgré les efforts louables de la gastronomie française qui servait de l’ours à la table des rois¹, l’expression mit quelques années à s’épanouir jusqu’à la fameuse 872e séance plénière de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 26 septembre 1960, durant laquelle Fidel Castro lécha l’ours pendant près de quatre heures trente² pour bien faire comprendre qu’il n’était pas d’accord, lui donnant enfin sa pleine dimension.
« Mes chers amis je serai bref »
De nombreuses rumeurs rapportent que la pénibilité ressentie par les représentants officiels des nations du monde ce jour là n’est rien comparée à celle qui touche tout convive devant s’intéresser à un potin dominical sur la voisine qui est cousine du facteur qui a fait réparer son vélo chez le mécanicien dont la femme connaît bien celle du boulanger qui se trouve par le plus heureux hasard être un proche de l’ancienne institutrice de ton frère, celle-là même qui habite proche de la poste où j’ai croisé son mari l’autre jour en galante compagnie mais cela ne me regarde pas, autre circonstance dans laquelle lécher l’ours peut être utilisée.
Ce sera d’ailleurs le sens le plus commun, les causeries autour du rôti s’avérant plus régulières que les prises de parole du Líder maximo ou d’autres dictateurs prolixement corrects.
Notons cependant que le Cubain pulvérisera son record en 1998 avec une prise de parole de 7h15.
Se pourléchant de phrases toujours plus longues les bavards impénitents feront de la langue effilée de l’ours lippu et de l’ours à lunettes une équivalence à la leur, particulièrement bien pendue quand il s’agit de raconter leurs exploits en tout ou n’importe quoi et de souligner qu’ils font ainsi partie du clan de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours.
La transformation de l’animal en douce peluche recueillant une quantité jamais évaluée de bave de jeunes humains transformera radicalement l’expression.
Un sens des plus communs rattrapera lécher l’ours qui cessera ainsi de s’appliquer au laïusseur, celui-ci pouvant dès lors s’étaler en toute tranquillité (mais ceci est une autre histoire).