[levé la Zyp dizis] (néol. V. HUGO)
Quand c’est le grand Victor Hugo qui nous invente une expression, elle entre seule au Panthéon en suivant le catafalque de son créateur ce 1er juin 1885 et nous nous inclinons. Certains possèdent des droits particuliers sur le langage et nous sommes leurs humbles obligés.Tantôt épique, tantôt lyrique et toujours romantique, Victor Marie Hugo maniait le mot comme peu, qu’il l’emballe dans un discours politique, qu’il le rime dans un poème, qu’il l’alexandrine dans l’acte d’une scène. Il possédait la licence poétique aussi nous commit-il par deux fois lever la jupe d’Isis là où le classicisme eut attendu un voile de la même déesse antique.
On ne trouve en effet que dans l’œuvre de Hugo l’expression lever la jupe d’Isis¹. Reconnaissons-le, son caractère nettement plus coquin que le traditionnel lever le voile d’Isis nous laisse entrevoir que l’origine du monde est certainement située ailleurs que sous un voile. La thèse est osée j’en conviens mais je la défends.
Voici ses arguments.
Hugo et Courbet naissent dans le même coin de France à une quinzaine d’années de différence. Le terroir ça donne souvent le La. Ils se croisent pour la première fois en 1871 au cimetière du Père-Lachaise alors que Hugo enterre son fils Charles. La rencontre est brève mais cordiale. Gustave qui rêve depuis longtemps de réaliser le portrait du grand homme (il le lui a écrit) a déjà peint son Origine du monde et bien qu’elle ait été une commande privée il est plus que probable que Victor en ait eu vent. A moins que ce ne soit l’inverse, les Misérables qui contiennent lever la jupe d’Isis ayant été écrits un peu avant que la femme tronc ne soit peinte.
Dans les deux cas l’allégorie artistique selon laquelle les secrets inaccessibles de la nature ne peuvent être dévoilés qu’au curieux capable de lever la jupe (ou le voile) d’Isis est évidente. N’est-ce pas le sens de la totalité de cette comédie humaine que de lever la jupe d’Isis en commençant par regarder sous celle des filles, fripons que vous êtes ? Hugo avait tout vu, tout compris.
“Je suis tout ce qui est, qui fut et qui sera, et nul mortel n’a soulevé mon voile
Lever la jupe d’Isis c’est simplement chercher à comprendre l’origine du monde, ce que fait tout petit garçon dès lors qu’il se questionne sur le sens de la vie, les albums Panini et le jour de parution de Pif Gadget. Et peu importe que la jupe chaste appartienne à une déesse égyptienne coiffée d’une perruque surmontée par un disque solaire inséré entre deux cornes de vache et qui régna plus de 700 années avant notre ère, ou à cette petite blondinette à queue de cheval (il y a prescription, j’avais 5 ans), dans les deux cas c’est bien la Vérité sur sa nature que cherche le chérubin.
Lever la jupe d’Isis n’est que du suranné : ne vous essayez pas à le réaliser. Laissez les filles tranquilles, n’allez pas reluquer. L’origine du monde est leur secret le mieux gardé; j’ai bien tout essayé aucune n’a jamais voulu le partager, pas même la blondinette à queue de cheval de la cour de récré.
Hugo en a rêvé mais nous ne lèverons jamais la jupe d’Isis, la déesse nous foudroierait dans l’instant.
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