[avwar lymër ki bwat] (loc. verb. PAS GLOP.)
Les Français forment un peuple claudiquant. Précisément à l’humeur qui va de ci, de là, toujours prête à s’avérer mauvaise même si elle exerce avec parcimonie cette acrimonie héritée d’avoir été trop gâtée, et souvent guillerette et légère quand vient la saison des robes (légères elles aussi), bref à l’humeur qui boîte.
D’Aristote à Montesquieu on s’entend pour déterminer la nature des peuples de cette terre selon le climat qui règne là où chacun passe son temps, et il s’avère que le climat tempéré de la France, conjonction des climats océanique, méditerranéen et montagnard, nous génère une humeur qui boîte.
« Ce sont les différents besoins dans les différents climats, qui ont formé les différentes manières de vivre ; et ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois »
— Montesquieu, L’Esprit des lois
Crachin breton et soleil occitan mêlés aux rigueurs de l’hiver savoyard auraient ainsi bâti une nation clopinante, cheminant cahin-caha entre joie de vivre et plaisir de se plaindre sans qu’il ne puisse y avoir d’autre explication. Si ça me défrise c’est la faute de la pluie, si je me fends la poire c’est parce que le soleil brille en quelque sorte.
Bien que le degré d’hygrométrie ait une influence directe sur ce vieux rhumatisme qui vous donne cette démarche chaloupée, il n’est pas évident qu’il soit aussi à l’origine de votre rancœur du jour : un orage estival et ses odeurs pourront ravir tout autant qu’une chaleur accablante obscurcira l’humeur. Non, vraiment, avoir l’humeur qui boîte n’a rien à voir avec la météo, n’en déplaise au baron de La Brède ou à Boileau-Despréaux.
Tout savant que soit le sieur Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, nous dirons en ces lignes qu’il se fourvoyait largement, et que l’irritation des cumulonimbus et le sourire de l’anticyclone des Açores ne peuvent à eux seuls expliquer avoir l’humeur qui boîte.
Bien heureusement, le Français désormais comblé par la modernité qui lui apporte téléviseur à écran plat, Smartphone de dernière génération et autres satisfecit, a pu abandonner avoir l’humeur qui boîte. Toujours heureux et enjoué, il laisse son alacrité diriger son moral : Glücklich wie Gott in Frankreich¹ comme disent nos voisins d’outre-Rhin.