[avwar la lymjèr a tu léz- étaːZ] (gr. verb. EDF.)
Depuis la fin du XIXᵉ siècle, il est d’un commun consommé d’avoir le gaz à tous les étages. L’apposition de la plaque émaillée sur le mur de l’immeuble ne pose plus son habitant comme le tenant d’un chic qui échapperait à la plèbe, ainsi va le parfum du tétrahydrothiophène.
Les apports lumineux de la fée électricité ont quant à eux bénéficié d’un traitement différent et nettement moins prestigieux, les cantonnant au niveau du langage plutôt qu’à celui du ramage. Peu laudative quoique pudique, avoir la lumière à tous les étages, principalement utilisée sous sa forme négative ne pas avoir la lumière à tous les étages, est en ces temps surannés une formule descriptive de la simplicité d’esprit.
Celui qui n’a pas la lumière à tous les étages n’est pas à la page pour ce qui est de sa connexion au réseau électrique : c’est vrai en matière immobilière, c’est vrai en matière neuronale.
Avoir ou ne pas avoir la lumière à tous les étages est cependant dotée d’une grande subtilité sur l’innocence qui caractérise l’attitude du résident désigné. L’expression laisse en effet à penser que certains étages sont éclairés, même faiblement, avec une ampoule 25 watts par exemple, ce qui peut largement suffire à l’exercice de tâches quotidiennes. L’idiot du troisième n’est jamais que celui du quatrième qui lui-même est l’utile de celui du cinquième.
L’électricité, nouveau prodige de la science des hommes, est en son début de règne l’alpha et l’omega du bêta. Aussi avoir la lumière à tous les étages est-elle alors des expressions les plus populaires qui soient¹.
Les 13 et 14 juillet 1977, la ville qui ne dort jamais est plongée dans l’obscurité et sa skyline s’éteint. Privée d’électricité pendant vingt cinq heures, New York s’enfonce dans le chaos, rappelant au monde entier ce dont est capable l’homme quand il n’a pas la lumière à tous les étages².
Les conséquences de cette pétaudière se font ressentir jusqu’en France où il est décidé par le gouvernement de Raymond Barre qu’avoir la lumière à tous les étages est désormais surannée, de peur que les contribuables ne se mettent à exiger la fin des grèves avec coupures de courant chères à Électricité De France (EDF) en ces temps surannés³.
Officiellement bannie, l’expression disparaît peu à peu.
Pour ce qui est de l’idiot du village, le moderne n’a plus qu’un mot sans nuances qui le confond avec beaucoup trop d’autres : con.