[la mɛ̃ ʒon] (n. prop. DISCO.)
La couleur ferait-elle le suranné ? C’est à se le demander car après les mots bleus, le Train Bleu, voici que se dandine au son d’un Depeche Mode une Main Jaune qui n’est pas celle de Pif. La Main Jaune est LA discothèque dans laquelle il faut aller se montrer et patiner durant ces années 80. Donc forcément c’est suranné. Oui j’ai bien dit patiner, pas danser. Et patiner ce n’est pas rouler un patin mais bel et bien rouler en patin¹. Il faut donc que je vous explique tout sur la Main Jaune ?
La Main Jaune était un atout majeur pour nombre de types dans mon genre car le fait de s’y mouvoir en Roller autorisait les piètres danseurs (dont je suis) à briller pour peu qu’ils maîtrisent les quatre roues² vissées sous leurs baskets. Nul besoin de posséder le sens du tempo ou d’avoir le rythme dans la peau, pas la peine de tenter un moonwalk ou de nous faire le smurf (« 🎶Il s’appelle Joey, il nous vient de Sarcelles, break, fais le break,🎶 yeaaaah, h-i-p, h-o-p🎶 », Sidney, 1984), le Roller est ton allié. Et le Roller c’était vachement plus facile que le disco.
À la Porte de Champerret (Square de l’Amérique Latine pour être précis) on descendait quelques marches pour accéder au Saint des Saints du Roller Disco comme on dit désormais dans les encyclopédies noctambulo-nostalgiques. Les habitués venaient avec leurs propres Rollers, les amateurs pouvaient en louer sur place. Le premier choc était donc olfactif puisque chaussures il fallait enlever pour enfiler Roller. Mais heureusement c’était une époque où on fumait dans les boîtes et l’odeur de tabac recouvrait tout cela…
Et c’était parti mon kiki pour la ronde; oui on tournait sur la piste dans un sens anti-horaire comme sur les stades (l’homme est un animal dextrogyre à l’entrée d’un lieu public, je n’y peux rien c’est l’instinct). Tainted Love, Un autre monde, Heart of glass, Such a shame, Enola gay, bon j’arrête ici sinon vous allez pleurer ou filer sur Radio Nostalgie. Tous ces titres voyaient s’affronter les fakies, les half cab, les makios des frimeurs et la marche en canard des petits rigolos. Et puis il y avait les slows. Et puis il y eut LE slow. Le slow de la Main Jaune parce qu’il éclata en cinémascope à la face d’une adolescence française boutonneuse grâce à un film désormais suranné lui aussi : la Boum.
🎶🎶Met you by surprise
I didn’t realize
That my life would change for ever🎶
Saw you standing there
I didn’t know I’d care
There was something special in the air🎶🎶Dreams are my reality🎶
The only kind of real fantasy
Illusions are a common thing
I try to live in dreams
It seems as if it’s meant to be🎶
Le monde de la Main Jaune se figea en surannéité avec les paroles chantées par Richard Sanderson. Il ne se remit pas de la fin conjuguée de la tendresse sirupeuse et du boum-boum bûcheronnesque de Cerrone. La Main Jaune est fermée, le Roller est un loisir familial, il n’y a plus de slow.
Je m’en fiche je ne vais plus en boîte.