Manger des bignets après la Pentecôte [mɑ̃ʒe de binjɛ apʁɛ la pɑ̃tkot]

Fig. A. Distribution de bignes.

[mɑ̃ʒe de binjɛ apʁɛ la pɑ̃tkot] (gr. verb. COU.)

Depuis que Grégoire XIII, pape de son état, nous avait refilé son calendrier, il était convenu de se taper la cloche le Mardi gras puisqu’on allait avoir les dents qui rouillent pendant les quarante jours suivants.

Et tant qu’à faire autant que ce soit avec des trucs qui tiennent au corps, du rata qui ferait regretter d’en avoir abusé. Le beignet s’avérant le meilleur pour ce qui est des lipides embarquées, farine, œufs, beurre, prirent l’habitude de frire dans l’huile avant Carême histoire de t’étouffer le chrétien ou au moins de lui faire baigner les dents du fond pendant un bon moment.

Le bon apôtre pouvait ainsi tenir la diète qui venait.

De beignet à bignet il n’y a qu’un lipogramme en « e » dont on pourrait suspecter Georges Perec de l’avoir confisqué. Il semble cependant que manger des bignets après la Pentecôte soit antérieur à La Disparition¹. Et que bignet soit en réalité une atténuation à peine sensible de bigne, de bourre-pif, de giroflée à cinq pétales bien placée.

Qui mange des bignets après la Pentecôte se prend donc une talmouse de derrière les fagots, une gourmade gourmande. On déguste mais pas vraiment du gras et du sucré.

L’expression aurait pu se contenter de s’adresser au bataillard mais elle aura souhaité corser le sens en embarquant l’impie². On est sans doute avant 1905 quand elle naît, quand sabre et goupillon régentent même l’éloquence du jargon.

Puisqu’il en est ainsi, hardi petit il se dira donc que celui qui prend des coups mange des bignets après la Pentecôte. Guère étonnant dans un pays où tout finit en gueuleton.

La calotte cléricale déclinant elle entraînera avec elle la calotte pugilistique, même si cette dernière conservera une nette influence dans la chamaillerie. S’il ne se mange plus de bignets après la Pentecôte en modernité, n’allons pas croire que les querelles se règlent pour autant avec amabilité.

¹La Disparition, Éditions Gallimard, 1969.
²Il est en effet bien peu chrétien que de s’empiffrer après la Pentecôte.

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