[mâZé sô Sapo] (loc. cuis. HUMIL.)
Quand il veut prouver au monde ébahi devant son instruction infinie combien il est brillant, le sachant, tout ennuyé par la génération spontanée d’une expression désuète qui veut lui échapper, va chercher dans la littérature ce qu’il lui faut de référence indiscutable.
C’est ainsi qu’il répète à longueur de publications réfléchies que manger son chapeau fut écrit noir sur blanc pour la première fois en 1837 par Charles Dickens dans The Posthumous Papers of the Pickwick Club, premier roman du sieur contant les aventures de Samuel Pickwick, homme bienveillant et naïf comme un enfant.
Avec « If I knew as little of life as that, I’d eat my hat and swallow the buckle whole » extrait dudit roman en citation, ça pose son bonhomme et ça permet de cacher l’origine réelle de l’expression qui pourrait l’obliger à manger son chapeau s’il la révélait.
Car c’est à Crésus Flairsou (alias Anatole Pictou dans Mickey Parade n°964 « Picsou se défend » du 6 décembre 1970) que l’on doit la véritable popularité de manger son chapeau.
Le meilleur ennemi de l’oncle Picsou, prêt à utiliser tous les moyens pour devenir plus riche que le plus riche du Club des milliardaires de Donaldville, échoue à chacune de ses tentatives de berner le vieux canard radin et termine ainsi chaque aventure en mangeant son chapeau en signe de reconnaissance de son outrecuidance.
Une récurrence gaguesque qui promouvra l’exercice de contrition et d’humilité qu’est l’acceptation de sa propre fatuité et, parallèlement, l’utilisation de la locution auprès des enfants des années surannées, grands lecteurs du Journal de Mickey et de Pif Gadget.
Ainsi manger son chapeau est-elle du registre courant en ces temps où l’école est fermée le jeudi.
Cependant, The Pickwick Papers étant jugé de plus noble origine que le Journal de Mickey, manger son chapeau se verra considérée comme impropre à la prononciation par une caste de prétentieux peu portés sur l’apprentissage par la bande dessinée.
L’abandon du couvre-chef comme accessoire d’élégance par l’homme moderne qui n’apprécie guère de se trouver marri, enverra définitivement manger son chapeau en surannéité.
Une aubaine pour lui : sans manger son chapeau, plus de nécessité de reconnaître s’être fourvoyé avec une affirmation péremptoire et hâtive. Et plus de risque de l’avaler de travers.