[matê] (n. m. ADJ. ONO.)
Ce mâtin là résonne comme un hommage au suranné.
Et tout tient, vous l’aurez remarqué, à un modeste circonflexe. Quelle force que celle de ce diacritique de l’alphabet latin qui transforme en chapeautant un « a » le petit matin blême en un riant filou quelque peu déluré ou bien en noble onomatopée émise pour nous avoir laissé bouche bée.
Le mâtin est une quintessence surannée tellement il est subtil et il faut bien l’admettre, étranger à nombre de nos contemporains (je dis « nos » car si tu es encore là ami lecteur c’est que pour toi le mâtin n’est pas le début de la journée). En quelque sorte mâtin traduit le crépuscule d’un langage, n’est-ce pas là un étrange destin ?
Même si je me gausse à en faire le malin, mâtin m’a demandé quelques années avant que d’être maîtrisé. Une bonne dizaine depuis l’apprentissage spontané et non méthodologique de la lecture grâce aux journaux et magazines passant à portée de mes mains potelées (oui à 3 ans j’avais les mains potelées) jusqu’à ce temps de l’illumination produite par l’abonnement dûment mérité¹ au Journal (non, pas celui du matin mais celui du mâtin) vers l’âge de 13 ans.
Pour les plus jeunes, « Mâtin, quel journal ! » était le slogan du journal de bande dessinée Pilote (1959-1989), un condensé d’intelligence et de finesse aujourd’hui disparu².
Eh oui mon gars, il fallait naître plus tôt pour être du mâtin.