[médòr] (n. pr. CANIS)
Le dernier qui a lu Orlando furioso, poème épique en vers hendécasyllabes de Ludovico Ariosto, dit l’Arioste, pourrait témoigner de l’existence de Médor comme prénom d’un soldat sarrasin (qu’Angélique épousera malgré le fol amour du chevalier Roland, mais ceci est une autre histoire).
Mais ce lecteur érudit se sentirait tout de même esseulé puisque tout suranné lui objecterait que Médor est un nom de canidé et non d’humain. Et il n’aurait pas tort.
Depuis les Trois Glorieuses qui renversèrent Charles X au profit de Louis Philippe d’Orléans (27, 28 et 29 juillet 1830, cours de CM1 pour ceux qui dormaient au fond de la classe), Médor est le nom du plus fidèle ami de l’homme, en hommage à celui qui pleura son maître mort pendant l’assaut du Louvre et enterré sur place.
Doit-on lire une sourde hostilité à la République dans le succès canin de Médor qui perdurera pendant au moins cent cinquante ans ? Chaque Médor né après la monarchie de juillet est-il un activiste républicain, un bonapartiste, un socialiste, un communiste, un orléaniste ou un bon gros toutou à son pépère ? Les spécialistes débattent encore sans parvenir au moindre compromis.
Médor va chercher la baballe !
Médor au pied ! Médor va chercher la baballe ! Ouh qu’il est gentil le Médor à sa mémère sont-ils de secrets mots de passe permettant aux intrigants de se connaître entre eux ? Nous ne saurions apporter une réponse formelle, bien que sa disparition en surannéité corresponde à la baisse d’influence du comte de Paris au profit d’autres forces politiques.
En 1984, le bouillonnant Richard Gotainer (dont on ne dira jamais assez l’influence sur la langue surannée) s’interroge à voix haute sur il était où le gentil ti Youki, où il était le gentil ti toutou, il était où hein il était où, où il était le gentil ti Kiki, et où il est le pépère au ouah ouah, Youki sait-il où c’était son pépère¹, et relègue définitivement Médor au rang des dénominations d’avant.
Médor rejoint Titus, Sultan et Sidonie.
Youki est le nouveau chienchien fidèle à sa mémère qui le jettera à son tour quelques années plus tard pour un plus moderne et cinéphile Beethoven². Mais ceci est encore une autre histoire.