
Fig. A. Quand la croisière s’amuse.
[məne kɛlkœ̃ ɑ̃ bato] (MENT. NAV.)
On peut faire le mur, le trottoir, la moue, le mariole, mais faire le marin malgré soi c’est une autre paire de manches à rayures. Et pourtant, c’est ce qui arrive au naïf, au crédule, au Bisounours de service quand on le mène en bateau.
Car mener quelqu’un en bateau ce n’est pas lui faire visiter les calanques ni l’emmener ramer sur la Marne à la belle saison.
S’il s’agit cependant bien de le promener c’est dans les grandes largeurs; s’il s’agit de l’embarquer c’est dans un gros mensonge. Dans cet esquif, le gobe-mouche sera bercé d’illusions à coups de moulinets verbaux, de fausses promesses et de clins d’œil entendus. C’est pour lui une galère qui s’annonce sans escale, sans boussole et sans destination — avec pour seul capitaine un fieffé menteur au bagout d’arsouille. Mais le dupe passager n’y voit que du feu, pour lui le bateau c’est chou.
L’origine marine n’est pas qu’un effet de manche : jadis, la marine à voile savait y faire en matière de duperie. Nombreux furent les moussaillons enrôlés de force avec un verre de rhum, deux flatteries et trois mensonges bien ficelés. Le lendemain, en mer, trop tard pour descendre du navire. Le malheureux était mené en bateau, au sens propre comme au figuré.
L’expression a pris son envol à terre (un comble quand on vient de la mer), là où les bonimenteurs sont légion et les pigeons nombreux. Le camelot du marché, le séducteur indélicat, le candidat à l’élection, l’expert en expertise, mènera sa barque et le gogo en bateau comme un vieux loup de mer.
Promesses de résultats mirifiques, d’amours éternelles et de lendemains qui chantent
Promesses de résultats mirifiques, d’amours éternelles et de lendemains qui chantent une fois arrivés au port : le mené y croit dur comme fer, confondant le roulis de l’enthousiasme avec celui de la désillusion qu’il ne voit pas venir. Quand il comprendra l’imposture, le bateau aura coulé depuis belle lurette et la croisière ne l’amusera plus du tout.
La menterie moderniste est technique. Tant est si bien qu’il lui faut de l’angliche pour parader et appâter. Elle est fake, elle est hoax, et l’ingénu s’est fait choper par du phishing ou du phreaking…
Ils auraient au moins pu faire dans le yachting, ça aurait conservé ce qu’il faut d’air marin.